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Lepage, Frédéric – Promets-moi d’avoir peur


A New-York, Luna est vétérinaire et adepte du parkout, ce sport d’escalade et de sauts sur les toits des immeubles, elle prend tous les risques car elle est atteinte d’une déficience de l’amygdale cérébrale (nommée le syndrome d’Urbach-Wiethe) grâce ou à cause de laquelle le sentiment de peur lui est étranger.
Son compagnon, Victor, est photographe de guerre et vient de gagner le prix Pulitzer pour une photo prise en Ethiopie. Comme Luna désire ardemment un enfant, sa neurologue lui enjoint de se faire traiter afin de pouvoir ressentir de la peur pour son enfant et la dirige vers la clinique très privée d’un célèbre chirurgien du cerveau.
Quelques semaines plus tard, le corps de Luna est découvert sur le toit d’un immeuble, une balle tirée en plein visage.

Ce roman alterne entre les états d’âme et les réflexions de Luna durant son hospitalisation et l’enquête qui suivra sa mort, enquête menée par deux policiers aussi opposés que complémentaires.
Ce livre est avant tout une dénonciation des abus dont les recherches médico-militaires se rendent coupables sous le prétexte de la défense du pays, la véritable raison en étant la conquête du pouvoir sur l’homme et le monde.
En outre ce roman interroge le phénomène de la peur du point de vue éthique : ne pas éprouver de peur c’est être incapable d’estimer le danger tant pour soi que pour l’autre, c’est, en déduit l’auteur, ne pouvoir la comprendre chez l’autre et donc être incapable d’empathie ou de compassion envers ses peurs, une affirmation qui me laisse dubitative, car l’empathie et la compassion ne s’arrêtent pas dès qu’une situation est vécue différemment, elle englobe la détresse humaine quelle que soit sa forme.
Je vous conseille de lire ce roman magnifiquement écrit, original et passionnant.

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Denzil, Sarah A. – Vulnérable

Titre original : Little Girl
Traduction : Isabelle Wurth

Fran est agréablement mariée et mène une vie tranquille dans un village de la campagne anglaise. Quand elle rencontre la toute jeune Mary et sa fille Esther de 7ans venues de l’Arizona, elle s’étonne de leurs accoutrements, de la crainte que semble éprouver Mary et des restrictions que leur religion leur impose. Fran ressent un puissant besoin de protéger la jeune mère et sa fille Esther qui ne joue pas, ne sourit jamais et s’enfuit afin de retrouver celui qu’elle nomme Père ..
Bien que son mari lui conseille de ne pas trop s’engager car il sait sa femme fragilisée encore par la perte de leur petite Chloé, Fran est comme poussée vers ces deux êtres que la communauté du village rejette au point que l’homme qui accompagne mère et filles les contraint à partir.
Notre héroïne se sent responsable et entreprend de chercher l’endroit où elles séjournaient en Arizona pour, contre l’avis de son mari, se lancer à leur poursuite et à leur secours.

Douée d’une intuition puissante, Fran a ressenti, comme l’auteure nous le donne également à ressentir, une ombre néfaste et malfaisante.
Parfois exaspérante, courageuse jusqu’à la témérité, déterminée à sauverun rie ces deux êtres auxquels des liens secrets la relie, Fran n’hésite pas à affronter ce qu’elle sait être un terrible danger et à pénétrer au coeur du Mal, là où l’attendra l’absolue stupéfaction et où s’ouvriront les entrailles de la perversion.
Bien que Fran m’ait de temps en temps bien énervée, ce roman quelque peu tiré par les cheveux n’est pas sans intérêt et réserve, vers la fin, une surprise de taille.

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Musso, Valentin – Dans mon obscurité


Emma est aveugle, chez elle comme ailleurs, elle se sent observée et menacée. Réalité ou illusion due à sa trop grande solitude? Sa seule amie, Christelle, l’aide et la pousse à sortir. Un soir Emma accepte de sortir et rencontre Stéphane. Très vite une relation débute entre eux.
Ludivine est une ado conforme à sa génération. La jeune fille est attirée par le nouveau de la classe, un bad boy un peu sombre ils flirtent à l’abri des copains du lycée et surtout de la famille très stricte de Ludivine. Or un jour la jeune fille disparaît.
Sept ans plus tard, comme l’affaire en est toujours au point mort, l’inspectrice Zora s’y intéresse malgré l’interdiction de son chef.

C’est un roman qui se lit agréablement et facilement. Les événements s’enchaînent sans agitation et distillent leur suspense en l’injectant à petites doses régulières. Comme on s’en doute les parcours deux jeunes femmes possèdent des points de convergence un peu forcés mais acceptables.
Néanmoins j’ai trouvé la fin décevante,. J’ai eu l’impression que l’auteur, pour éviter que sa fin ne soit totalement conventionnelle, a rajouté un élément censé nous surprendre mais qui dénature l’intrigue en altérant son personnage principal.

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Carayon, Christian – Comment va la nuit ?


Anthony est vieux, c’est un homme marqué, solitaire à l’extrême, taiseux. Aujourd’hui, gavé de souffrances, il sort dans la neige, tombe et meurt.
Au troisième âge de sa vie, Anthony s’installe dans une bergerie isolée frôlant les montagnes. Un jour une jeune infirmière achète la ferme qui fait pendant à la bergerie, La joie ombrée de tristesse de la jeune femme fascine le vieil homme. Leurs passés de douleur les uniront d’amitié avant qu’il ne commette l’irréparable, brisant leur entente.
Le deuxième âge de sa vie est marqué par la terrible maladie et le suicide assisté de sa mère, une femme admirable dont il ne fera jamais le deuil. Il y rencontrera Katel, l’amour de sa vie qu’il aimera pourtant moins que lui-même 
Au premier âge de sa vie il est béni des dieux puisqu’il a une mère exceptionnelle de courage et d’inépuisable amour.

Il faut noter la plume magnifique de l’auteur, l’intelligence de ses dialogues, leur profondeur et cette sensibilité pudique qui me touche bien davantage que les hauts cris.
Anthony est un homme à qui tout a été donné, une mère aimante, des facilités intellectuelles et manuelles, un ami extraordinaire, un amour et des amies merveilleuses, mais il n’a jamais rien rendu, quand il n’a pas gâché ou détruit ces cadeaux de vie.
J’ai eu de la compassion en même que de l’irritation pour cet homme qui n’a jamais pu aimer réellement, s’est endurci, ensauvagé et qui, ayant beaucoup vécu, est néanmoins passé à côté de sa vie.

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Riel, Ane – Les fantômes ne pleurent pas

Traduction : Terje Sinding
Un grand merci aux éditions du Seuil pour l’envoi de ce livre.


Alma est si âgée qu’elle ne dénombre plus les ans, vite fatiguée, entièrement sourde, mal assurée sur ses jambes, elle oublie parfois certaines choses, beaucoup de choses, mais jamais de remonter sa vieille horloge. Son horizon est bien limité depuis qu’elle n’ose plus sortir par crainte de tomber, mais loin de s’en plaindre, elle se réjouit de ce qu’il lui reste.
Pourtant la vie n’a guère épargnée, à 6 ans sa fille est fauchée par une voiture, sa maison a brûlé, son mari dont le tempérament querelleur a fait fuir toutes ses amies, a mal vieilli, tellement mal vieilli qu’elle préférerait aujourd’hui en avoir perdu la mémoire.
Depuis quelques temps elle remarque un petit garçon promener son chien devant chez elle , quand il voit la vieille dame lui faire signe, il s’encourt d’abord, mais peu à peu il s’approche et finit par entrer chez elle. Malgré sa surdité l’aïeule et l’enfant échangent, rient d’un rien et se lient d’un amour profond et tendre.

Entre souvenirs, refoulements et oublis, entre amour, haine et solitude, la vie d’Alma fut davantage un chemin d’épines que de roses.
Ana Riel nous offre un magnifique roman sur la vieillesse avec ses douleurs, ses empêchements, ses oublis qui, acceptés avec bienveillance, leur ôte toute âpreté et les amadoue comme on le fait avec un animal un peu récalcitrant.
Une vieillesse qui peut alors, à l’instar de l’enfance, s’émerveiller et se réjouir d’un rien, une vieillesse qui se réconcilie avec les aléas de la vie, avec les erreurs et les horreurs, avec la vie telle qu’elle fut.
Un roman superbe, aussi violent que tendre, bouleversant.

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Villain, Isabelle – De l’or et des larmes

Cette histoire se déroule dans le milieu sportif de haut niveau, celui de jeunes athlètes gymnastes qui briguent la médaille d’or aux jeux olympiques.
L’entraîneur des jeunes vient de mourir dans un accident qui s’avère avoir été criminel, les freins de la voiture ayant été sectionnés. Qui donc peut avoir ourdi le meurtre de cet homme adulé par les athlètes qui lui ont confié depuis un très jeune âge leurs corps, leurs aspirations et leur jeunesse ?. A lui ainsi qu’à sa femme kinésithérapeute.
L’équipe de Rebecca de Lost est priée de résoudre ce crime au plus vite, pressée par le milieu politique qui redoute de voir les médailles françaises lui passer sous le nez.
Il faudra que le journal intime d’une jeune sportive suicidée soit tiré de sa cachette pour qu’un pan de la vérité se lève, mettant à jour une omerta qu’il convient de respecter si l’on ne veut être écarté de la sélection.

Ce milieu de haute compétition m’était totalement inconnu, et je me suis étonnée de voir de tout jeunes enfants entre 10 et 15 ans, se remettre, avec l’accord de leurs parents, entre les mains d’un entraîneur, pratiquer chaque jour les mêmes exercices des heures durant, délaisser leur vie sociale, les sorties et les plaisirs de leur âge pour ne se vouer qu’à un but : obtenir la médaille d’or. Sans compter les innombrables traumatismes et micro fractures qui pèseront lourdement sur leurs épaules d’adultes et sans compter sur la brièveté de leur carrière.
L’écriture de l’auteure est simple, son intrigue, proche d’un documentaire qui reprend un sujet d’actualité, est intéressante mais sans grande complexité. Il m’a surtout manqué l’approfondissement psychologique des personnages qui se maintiennent au duo action-réaction.

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Jéhanno, Claire – La jurée


Petit-neveu préféré d’une dame extravagante et dispendieuse, Frédéric et sa compagne Lucile sont accusés d’ avoir drogué et étranglé l’aïeule. On présume qu’à court d’argent et se sachant héritier, Frédéric a exécuté sa grand-tante.
Heurtée par le silence obstiné des accusés, Anna, la jurée, se range à cette hypothèse mais peu à peu ce silence la ramène bien malgré elle au sien alors que, petite, elle était incapable de raconter comment sa petite cousine avec laquelle elle jouait a soudainement disparu. C’était un silence d’oubli, mais un silence intolérable pour son père, un silence qui a bouleversé et mutilé sa vie. Ainsi que celle de sa famille.
Durant 5 longues journées le procès se poursuit, les témoins défilent, les avocats se défilent, les accusés se taisent et Anna écoute, consciente de sa responsabilité, appesantie d’elle, réfléchissant. Vient le dernier jour. Anna demande la parole et pose aux accusés la question à laquelle nul n’avait pensé.

C’est avec passion, émotion et admiration que j’ai lu ce roman remarquable par son intelligence du coeur et la beauté de son écriture.
De plus, ce rôle de jurée permet de raviver des questions bien actuelles : Comment peut-on juger sans tout connaître, et comment pourrait-on tout connaître de cette infinie complexité humaine? Comment être objectif lorsqu’on est un sujet et comment, nécessairement sujet/subjectif, peut-on être juste ?

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Harper, Jane – Les oubliés de Marralee

Titre original : Exiles
Traduction : David Fauquemberg
Editions : Merci à Doriane des éditions Calmann Levy pour cette lecture


Lors de l’annuelle fête du vin qui rassemble de nombreux touristes et locaux à Marralee, Kim, mère d’une adolescente et d’une petite Zoé, disparaît. Quand Zoé est découverte abandonnée dans son landau, il est clair qu’un drame est survenu. Toutes les issues de la fête étaient pourtant surveillées, se serait-elle noyée dans cette retenue d’eau que pourtant elle évitait à tous prix?
Mais ni les proches ni le sergent Dwyer pourtant acharné à percer cette énigme n’aboutissent à rien.
Lors de la fête viticole suivante, Zara lance avec beaucoup d’émotion un appel à témoin public. C’est son dernier espoir. De son côté, son oncle demande à Falk, un ami flic, de reconsidérer cette disparition avec son regard extérieur.

Cette quête de vérité d’Aaron Falk avance par petites touches délicates. Point de retournements en chaîne, de courses poursuites et autres rythmes haletants faciles, mais une lente analyse des lieux, des enjeux, de ce qui manque plus que de ce qui apparaît, le patient recueil des confidences et le travail de réflexion, figurent parmi les façons de ce flic sensible et. profondément doux.
Une enquête alliant l’intelligence du coeur et celle de la raison par une auteure dont les romans m’enchantent de plus en plus.

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Brookmyre, Chris – Sombre avec moi

Titre original : Black Widow
Traduction : Céline Schwaller


Diana Jager est accusée du meurtre de son mari Peter avec lequel elle était mariée depuis 6 mois. L’accusée, excellente chirurgienne passionnée par son travail, traîne une réputation de franc parler et d’ironie qui lui a valu quelques inimitiés. Elle vit seule, déchirée entre manque d’amour et méfiance envers les autres jusqu’au jour où elle rencontre Peter, un informaticien. Le courant passe à merveille entre eux mais Peter se durcit dès le mariage célébré et s’éloigne sous couvert de travail acharné.
Les suspicions envers Diane débutent avec la découverte du véhicule de Peter échoué dans les eaux glacées d’un lac sans qu’aucun corps ne soit repêché.
Lucy, la soeur de Peter est certaine que Diana a tué son frère et engage Parlabane, un journaliste d’investigation à la réputation sulfureuse, de prouver la culpabilité de la chirurgienne.

Avec Chris Brookmyre, vous êtes sûrs de tomber dans une machination complexe, tordue et géniale. Véritable toile dont on ignore où est l’araignée ni qui elle est, on se sent englué dans un montage parfaitement cohérent, où pas un fil ne lâche.
Mais loin de n’être qu’une construction magistrale, il s’agit ici essentiellement d’un thriller psychologique avec des personnages finement travaillés et comme trame de fond ces passions humaines qui, en dehors de l’amour, assombrissent nos sociétés.
Elles forment, au coeur de cette intrigue son point aveugle, son araignée diabolique.

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Leban, Damien – Sublimation


A l’âge de 3 ans Camille est placée dans un orphelinat. Petite et fragile, elle ne connaît que brimades et violences parmi ces enfants dont la cruauté est aggravée par celle qu’ils ont subie tandis que les éducateurs ferment les yeux.
Arthur est un jeune homme entretenu par sa riche mère. Incapable du moindre effort il rêve néanmoins de devenir un écrivain admiré. Or après une nuit d’alcool et de médicaments, il se réveille devant un chapitre génial. Avec cette recette il va enfin produire un thriller qui lui vaudra la célébrité.
Bruno Heisen, major à la gendarmerie, se rend avec son équipe sur une scène de crime abominable : quatre corps d’hommes décapités suite à un viol collectif et 4 têtes fichues sur des pieux, l’une d’elles ne correspond à aucun des corps.

2ème livre que je lis de cet auteur et à nouveau je suis frappée par l’immense compassion qu’il me fait éprouver pour ces enfants victimes qui survivent tant bien que mal, et plutôt mal que bien, face au Mal.
Ensuite il y a le bonheur de suivre une intrigue parfaitement construite où l’on entre dans le mystère du lien entre ces trois personnes dont les vies sont radicalement séparées.
Agir mal, faire le mal, être le Mal. Il y a dans ce livre une sorte de refondation des cercles de l’enfer jusqu’à cet abîme de perversion qui, rouerie suprême, prend le nom de son opposé absolu : Sublimation.
Un thriller prenant, bien écrit et machiavélique.


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Ward, Catriona – La dernière maison avant les bois

Titre original : The Last House on Needless Street
Traduction : Pierre Szczeciner


Ted vit seul dans une maison délabrée dont il a barricadé les fenêtres, seul, enfin il y a quand même sa fille Lauren qu’on entend parfois jouer bruyamment et Olivia le chat qui, en certains chapitres, prend voix.
Onze ans plus tôt une enfant a disparu non loin de là. Certes, Ted avait un solide alibi mais Dee, la soeur de la disparue, l’a toujours cru coupable et, dès que possible, loue la maison voisine de la sienne d’où elle pourra le surveiller et s’assurer que sa soeur n’est pas emprisonnée chez lui
Il est d’ailleurs étonnant que la police n’ait pas plus enquêté sur Ted, parce que depuis lors plusieurs gamins se sont également égarés dans la région sans jamais revenir.
Et que fait donc Ted la nuit dans le bois? Pourquoi fuit-il les miroirs ?

Dans une langue à la syntaxe volontairement disloquée, avec une grammaire qui se joue des genres et des conjugaisons, l’auteure nous fait entrer dans une pensée que seule une telle langue pouvait traduire.
Et il fallait cette langue-là pour qu’un pan de ma pensée se déchire, s’ouvrant ainsi à une autre, déchirante.
Avec une infinie tendresse Catriona Ward pénètre les souffrances les plus intimes de chacun, celles qui sont des abîmes, celles qui creusent des sillons de douleurs dans le corps et l’esprit et se terrent, effrayées, quand les ombres menaçantes et sans noms surgissent dans la nuit.
Un très grand livre qui se lit lentement car tout, jusqu’au moindre objet, parle et fait sens.
Vous qui entrez ici, n’abandonnez pas toute espérance.

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Tackian, Niko – La lisière


Dans les monts d’Arrée, ils roulent quand un choc les oblige à s’arrêter, Hadrien sort suivi de son fils Tom, Vivian restée à bord attend puis s’impatiente et enfin sort pour ne voir personne sinon un homme muni d’une hache qui la poursuit. Par bonheur un camion apparaît qui la prend et la mène à la gendarmerie.
Quelques jours plus tard, la lieutenant Mons et son équipe libèrent la voiture abandonnée et embourbée et, dans son coffre, tombent sur une hache et un flot de sang. Tout laisse donc penser que père et fils ont été tués sans qu’on ne sache pourquoi.
Choquée, incrédule, Vivian entre régulièrement dans des états lisière entre rêve et réalité, des états proches de l’hallucination au cours desquels elle revoit son fils Tom et reçoit d’inconnus bienveillants des messages codés qu’elle transmet à la lieutenant dès qu’elle revient à la réalité. Pour la lieutenant, ces messages ouvrent des pistes.

Malgré un début prometteur, l’histoire tombe vite à plat, les crimes ne sont accomplis que pour des motifs basiques et la psychologie des criminels est relativement primaire.
Tout l’intérêt du livre tient au vécu de Vivian, de sa frayeur au sortir de ces moments où rêve et réalité s’interpénètrent pour créer une fausse réalité où convergent son désir de voir Tom vivant et sa connaissance refoulée des mensonges qui entourent sa vie. A quoi s’ajoutent d’affreux souvenirs d’enfance
Le soutien psychologique que Vivian reçoit d’une psychiatre peu conformiste et complaisante passe largement à côté de l’essentiel, si bien que la toute fin, quoique contraire au prisme de l’héroïne, possède une certaine logique.
Niko Tackian est un bon écrivain inventif mais il manque nettement de rigueur.


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Kukafka, Danya – Une exécution

Titre original : Notes on an Execution
Traduction : Isabelle Maillet

Ansel croupit dans le pénitencier des grands criminels condamnés à mort après que l’on a découvert les corps enterrés de ses trois victimes. Il y rédige sa Théorie, un parfait condensé de ce qu’est la perversion avec ses valeurs diluées, voire inversées.
Saffy, elle, a décidé d’entrer dans la police le jour où elle a appris qu’une des victimes d’Ansel était son amie à l’orphelinat, orphelinat dans lequel elle avait d’ailleurs brièvement rencontré le tueur dont elle soupçonnait déjà la nature trouble.
Saffy est, de plus, l’amie de Jenny qui épousera Ansel sans qu’elle ait pu la convaincre de s’éloigner de cet homme manipulateur et séducteur, pas plus que n’a pu le faire la soeur jumelle de Jenny qui s’en voudra toute sa vie jusqu’au point de mal se réjouir de son propre bonheur.

Ansel et Saffy sont opposés comme l’ombre et la lumière, ainsi
L’un se disculpe en prétendant qu’il aurait pu être bon dans une autre vie, et l’autre se culpabilise parce qu’elle aurait dû protéger ces femmes contre ce monstre.
De même le condamné pleure sur lui, alors que la policière pleure sur ces jeunes vies brisées.
Ce roman tout en finesse, qui passe d’un personnage l’autre, d’une couleur l’autre, dresse à petits coups de pinceaux le portrait de ces femmes qui rêvent, chantent ou espèrent et dont la vie est brutalement arrachée par un être sans scrupules et profondément lâche.

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Thilliez, Franck – 1991


Franck Sharlo vient d’intégrer la police criminelle et sans délai, il se voit embauché dans la poursuite d’un criminel particulièrement redoutable : houdinien quand il passe à travers verrous et cadenas sans qu’on y voie rien, caméléon quand il change de peau et de personnages presque sous nos yeux, sorcier enfin quand il utilise un poison que seuls quelques initiés au vaudou connaissent, un poison aux effets effarants, qui nous font dresser les cheveux sur la tête.
Il faudra tout le courage et l’intelligence d’un Sharko pour trouver la faille du démon.

Ce qui m’a fait aimer ce livre, c’est d’y découvrir un Sharko à ses tout débuts, non pas naïf mais encore innocent et plein d’idéaux..
Il est frappé d’effroi et d’épouvante devant les souffrances des victimes, et cette épreuve le fait vaciller, pire même, il craint de perdre son humanité et ses valeurs à force de côtoyer sans cesse le mal absolu.
Il connaît ses premiers doutes, et ses premiers tourments de conscience : doit-il mentir par compassion pour un chef ou dire la vérité au nom de la Loi ?
En même temps, il cherche à creuser son trou parmi ses aînés, il propose des pistes qu’il sent être bonnes, y travaille sur ses heures, acharné à coincer le tueur certes mais aussi désireux à conquérir l’estime de ses pairs.
Enfin Sharko raconte à sa tendre fiancée la véritable raison de son engagement dans la police, confidence où il délivre sa profonde et touchante sensibilité.

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Godinaud, Grégoire – La chanson blanche


2015. Le vol AN 333 reliant Boston à Paris s’écrase en mer avec ses 480 passagers. Rien ne subsiste de l’avion et rien n’explique ce crash.
Quatre ans plus tard, Tom est appelé au Bureau des Enquêtes Aériennes. En effet le sac de son frère autiste a été repêché, et ce sac contient des traces laissant penser à un attentat. Tom se lance alors, aidé par une amie, dans une quête visant à innocenter son frère
A partir de ce moment, nous allons voyager entre le temps, actuel, de Tom et les temps précédant le vol pendant lesquels on fera de brèves escales de passagers en pilotes et de pilotes en passagers, tous susceptibles d’avoir commis ce crime, tous pétris d’ambiguïté, sinon de faux semblants. De quoi provoquer bien des perturbations chez les lecteurs

J’ai trouvé le personnage de Tom, égoïste et impulsif, particulièrement antipathique, surtout quand en finale il accusera publiquement un innocent afin de laver l’honneur de son frère, et cela sans se soucier des retombées d’une telle annonce.
Les quelques pilotes et passagers auxquels ce roman s’intéresse nous sont livrés au travers de petites saynètes et brèves escales, sans que nous ne puissions en connaître plus que des bribes et morceaux de leurs caractères et de leurs agissements..
Pour en percer le secret il nous faudra attendre les derniers chapitres, car de secret il n’y a pas seulement celui de l’auteur du crash, il en plane autour de chaque personnage, tantôt subtil, tantôt quelque peu tiré sur les fils de la vraisemblance.

Merci de tout coeur à Babelio et sa Masse Critique ainsi qu’à Ségolène des éditions du Gros Caillou pour son envoi, son gentil mot et le joli marque-page


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Gustawsson, Johana – L’île de Yule


Hiver 2012 Sur l’île de Storholmen, une adolescente préparée selon un rituel complexe et pendue à un sapin surprend un promeneur. L’inspecteur Karl débarque sur l’île pour enquêter mais aucune piste ne se profile bien que la victime ait été identifiée.
Hiver 2021. Emma, jeune experte en art se rend sur la même île pour répertorier et estimer les biens contenus dans le manoir des Gussman. Le maître des lieux lui impose un horaire d’accès très limité ce qui force la jeune femme à de longues pauses qu’elle passe dans l’unique auberge du lieu tenue par la douce Anneli.
Pendant son séjour sur l’île, Emma apprend avec effroi qu’un corps d’adolescente pris dans la glace et disposé comme celui d’il a 9 ans s’est échoué près d’un lieu de baignade.
Et derechef Karl le policier se heurte à un néant d’indices.

Trois voix vont prendre la parole, celles d’Emma, de Karl et de Viktoria qui travaille comme domestique au manoir et s’effraie de l’intérêt exagéré de sa fille pour les légendes vikings.
L’écriture est belle et l’intrigue si chargée de mystères qu’il est inutile d’émettre des hypothèses tant les masques sont indiscernables et les mensonges indétectables (ou presque).
Dans ces contrées où la nuit règne en maître, mieux vaut ne pas être mère, non plus qu’enfant, et surtout pas fille.
Alors oui c’est un livre prenant, touchant et assez effarant sur les pouvoirs de la parole et de l’écrit comme remparts contre la folie des mères.

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Penny, Louise – La folie des foules

Titre original : Madness of crowds
Traduction :  Lori Saint-Martin et Paul Gagné


Au sortir de la pandémie Covid, une éminente statisticienne, Abigail Robinson, est invitée à prononcer une allocution à l’université. Elle préconise, chiffres à l’appui, l’élimination des handicapés et des vieux qui souffrent et dont le coût est élevé alors que les ressources sont limitées. Des coups de feu sont tirés sur la conférencière qu’Armand Gamache, chargé de sa sécurité, protège immédiatement..
Abigail est suivie par de nombrebux citoyens dominés par la peur et la cupidité. Bien qu’Armand ait sauvé Abigail, ce que certains lui reprochent, il honnit son discours d’autant plus qu’une de ses petite-filles est atteinte du symptôme de Down.
Qui donc veut éliminer Abigail ? Les défenseurs du choix de vie ou ceux qui désignent une cible afin de détourner l’attention de leurs propres méfaits ?

Une thèse telle que celle avancée par Madame Robinson a malgré qu’on en pense toutes les chances de subjuguer les foules pour autant que la peur et leur pouvoir d’achat soient habilement titillés. C’est une proposition qui fut d’ailleurs appliquée dans les années du nazisme pré-guerre.
La folie des foules est en effet une chose puissante et qu’aucune raison, aucune valeur ne retient plus quand on tire sur les bons cordons.
Un roman plein de finesse et d’intelligence, à l’écriture délicate, avec des instants de douceur et des pointes d’humour, toutes qualités propres à l’auteure

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Jonasson, Ragnar – A qui la faute

Traduction : Jean-Christophe Salaün


Islande. Quatre anciens amis se retrouvent enfin pour un week-end de chasse à la perdrix en montagne.
Daníel vit en Angleterre où il tente de percer comme acteur, Gunnlaugur est avocat, mais incompétent il est réduit à des tâches subalternes, Helena est ingénieure, elle ne parvient pas faire le deuil de son compagnon mort 5 ans plus tôt, enfin Ármann est devenu guide dans ces montagnes après bien des vicissitudes.
Après une première escale houleuse, ils repartent vers les hauteurs montagneuses lorsqu’un blizzard terrible et inattendu prend de court . Aveuglés, frigorifiés, ils tombent enfin sur une cabane assez misérable à l’intérieur de laquelle les attend le plus improbable des spectacles.

Justement à partir de ce moment là, le livre part en quenouille, la surprise dans la cabane est proprement invraisemblable, les réactions des uns et des autres parfaitement insensées et on dirait qu’à part Daniel, les réactions et motivations du trio restant valent celles de trois adolescents énervés.
Après quoi, ayant réussi à faire capoter leurs projets dans les grandes lignes et causés quelques dégâts, l’histoire se termine comme si rien ne s’était passé.
Quelle déception quand on sait le talent et la finesse psychologique dont l’auteur est capable !

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Butler, Octavia E. – L’aube

Titre original : Dawn
Traduction : Jessica Shapiro


Sur terre, les hommes ont mené la guerre ultime, celle qui a éteint toute vie. Quelques hommes ont cependant été recueillis par les oankali et endormis le temps pour eux d’assainir la terre.
Lilith sera la première éveillée, la première femme comme dans les écritures. Elle est enfermée dans une pièce dont seule la parole la délivrera, et l’ouvrira à la rencontre de l’autre radicalement autre, effrayant autant qu’intrigant. Les oankali, bipèdes multi-tentaculaires, ont pour but de s’unir génétiquement aux hommes avant de les reconduire sur la terre régénérée.
Lilith est sans doute, parmi les hommes réveillés plus tard, la plus curieuse de l’autre, elle s’attachera même à un jeune ooloi, un ooloi étant celui qui transmet l’amour spirituel et sensoriel entre deux oankali, ou deux êtres humains
Presqu’aussitôt après leur réveil, les hommes forment des clans, se battent, tentent de violer les femmes comme si cette violence était la signature de l’humain

Ce superbe roman suscite d’innombrables questions auxquelles nulle réponse n’est donnée puisqu’il n’y en a pas et que seul le pouvoir autoritaire affirme ou rejette.
Et parmi ces questions, les essentielles : qu’est ce qu’être humain ? la nature humaine est-elle si exceptionnelle qu’il convienne de préserver sa pureté à tout prix? 
Certes les oankali influencent les hommes pour qu’ils aillent dans le sens de leur projet, mais ces contraintes ne sont-elles pas la source même de la vraie liberté ? D’une liberté qui marche vers un but en s’appuyant sur les contraintes et non une liberté qui part en tout sens, guidée par des pulsions souvent destructrices.

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Duchamp, Chrystel – L’île des souvenirs


Après une enfance dominée par la raideur et la sécheresse de ses riches parents, enfin parvenue à l’université, Delphine s’en donne à coeur joie mais elle s’est laissé séduire une fois de trop.
Maelys, harcelée au collège parce que la nourriture lui permettait d’étouffer ses penchants réprouvés, est capturée en rentrant chez elle.
Les deux jeunes femmes ont vécu une liaison intense à laquelle Delphine a mis brutalement fin, mais Maelys ne peut l’admettre.
Or, les voilà toutes deux séquestrées dans un superbe manoir inhabité. L’une sera torturée et tuée, l’autre pourra s’enfuir, mais traumatisée, elle sera sujette à une amnésie dissociative
Romain, capitaine en charge de cette affaire complexe, piétine aussi lorsqu’un profiler ambitieux propose son aide et qu’une psycho-traumatologue aux méthodes musclées tente de rendre la mémoire à la rescapée, l’espoir du capitaine renaît

Pour moi, ce roman est le meilleur de l’auteure parce que, plus qu’ailleurs, son écriture est peaufinée, ses personnages sont pétris de douleurs et de laideurs ce qui les rend sinon aimables, du moins passionnants.
Tout est méticuleusement construit dans ce roman et ce que j’avais pointé au cours de ma lecture comme erreur ou incohérence s’est ensuite inséré parfaitement dans le récit.
La révélation finale de ce livre m’a profondément attristée, comme rarement je ne l’ai été en tournant la dernière page d’un thriller.

Merci à NetGalley et aux éditions l’Archipel pour cette lecture

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Tremblay, Paul – La Cabane aux confins du monde 

Titre original : The cabin at the end of the world
Traduction :  Laure Manceau

Une cabane au bord d’un lac. A l’avant Wen, une petite chinoise adoptée, capture des sauterelles tandis que ses pères Eric et Andrew lisent sur la terrasse à l’arrière. Un gentil géant arrive et s’offre à aider Wen qui accepte mais bientôt 3 autres personnes munies d’armes étranges et effrayantes s’amènent et Wen s’encourt, terrifiée, pour avertir ses pères.
La petite famille refuse l’accès à ces drôles d’inconnus et se calfeutre, mais tous quatre entrent de force, s’emparent des deux pères, les ligotent et les enferment avec la petite Wen. Ils ont été contraints, déclarent-ils, de leur délivrer un message capital car seul leur couple peut éviter l’Apocalypse telle qu’ils l’ont vue par révélation.

Le roman soulève des questions qui meurtrissent l’actualité  : Que choisit-on de croire dans un monde où rien n’est certain mais tout est possible? Pour quelles raisons, quel motif intime, choisit-on telle croyance plutôt qu’une autre ? Et jusqu’où est-on prêt à aller pour la prouver, elle qui est par essence improuvable ?
Un récit qui, au-delà de ses absurdités et de ses excès, porte à réfléchir et dont la fin est absolument sublime.

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Loubry, Jérôme – Le chant du silence


C’est un village de pêcheurs où la vie est rude et le poisson rare, meurtri par la pêche intensive, les micro-boules de plastique et une marée noire qui tue le poisson pour longtemps.
Dans ce port vivent Jean, un pêcheur qui délaisse sa famille, son fils Damien qui aime la fille du propriétaire des lieux et aussi comme dans tout village, l’étrange et solitaire vieille femme, les enfants rieurs, les vauriens voleurs, les hommes recrus alignés devant le bar, les femmes tristes qui attendent.
A son grand désespoir Damien devra partir avec sa mère afin qu’un avenir lui soit donné. Il ne reviendra que 20 ans plus tard, appelé par le notaire afin d’ouvrir l’étonnant testament de son père, cet homme qui fut incarcéré pour meurtre et se suicida quelques années plus tard. Se suicida ?

Plongé dans l’atmosphère de ce port à l’ancienne, on tire sur les filets lourds d’eau et de varech, on entend le ahanement des pêcheurs et le pas pressé des femmes laborieuses. Un rendu que j’ai trouvé fascinant saisi par une écriture qui a énormément gagné en poésie et en sensibilité pour toucher à l’excellence.
Et puis, ce que j’aime dans ce roman c’est cette levée d’un voile qui couvrait une vérité faisant elle-même rempart à une autre vérité encore illusoire, chacune suscitant refus, colère, culpabilité, tristesse, ces étapes qui sont celles mêmes du deuil puisque toute perte d’illusions est un deuil.
Et quand il ne s’accomplit pas, il y a danger.


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Grebe, Camilla – L’énigme de la stuga

Traduction : Anna Postel

Gabriel Andersen est un écrivain célèbre et charismatique que la jeune Lykke, engagée dans l’édition, aborde avec intrépidité. Une grande passion naît entre eux, passion que la naissance des jumeaux, l’acquisition d’une ferme dotée d’une stuga indépendante, et les amis communs renforce encore.
Depuis leur adolescence, les jumeaux vivent dans la stuga et y reçoivent Bonnie, leur amie d’enfance et leur soeur de coeur.
Un matin, après une suivant une fête bien arrosée Lykke se rend au chalet fermé de l’intérieur, ses fils lui ouvrent et découvrent Bonnie nue et étouffée sur un lit. Comme seuls les jumeaux séjournaient également dans la stuga, l’un d’eux doit être coupable selon Manfred, chargé de l’affaire. L’inspecteur veut à tout prix soutirer l’aveu d’un des deux frères mais ils gardent le silence et finalement seront relâchés.
Huit ans plus tard, Lykke est en garde à vue et ne veut parler qu’à l’inspecteur Manfred.

Cette intrigue déplie les ravages du soupçon qui peut mener du simple doute éconduit à la perte de confiance et jusqu’à la haine.
Après le drame, la famille Andersen se débat si bien avec sa douleur, sa culpabilité et ses suspicions que les indices pourtant évidents désignant l’assassin leur demeurent invisibles.
Malgré son bandeau, je n’ai pas lu ce livre tout en nuances comme un polar malgré l’investissement de l’inspecteur Manfred, mais comme un roman d’une grande sensibilité et une tragédie que seuls l’amour et le remords seront capables de transcender.

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Edvardsson M.T. – Ceux d’à côté

Traduction : Rémi Cassaigne

Mike et Bianca Andersson ont quitté Stockholm et sa violence pour s’installer dans un quartier paisible où leurs deux enfants pourront s’épanouir
Leur voisine, Jacqueline, est une ancienne mannequin qui s’amourache vite des hommes et noie ses déceptions dans l’alcool. Elle vit avec son fils de douze ans, Fabian, un enfant surdoué, asocial et imprévisible que sa mère défend quoi qu’il fasse, ne lui inculquant ni limites ni règles morales.
En face réside Ola, un veuf qui traîne une réputation de violence et plus loin demeure un couple de retraités grands amateurs de ragots.
Fabien cherche en Mike un père idéal, Ola trouve une confidente en Bianca, Jacqueline veut séduire Mike, et la tension grimpe dans le couple Mike-Bianca tandis qu’une sourde menace plane sur le quartier, nous gagnant peu à peu. Jusqu’à l’accident.

Très vite et bien malgré elle, la famille Andersson réveille les besoins et pulsions de leurs voisins qui tentent d’attirer Mike, Bianca et leurs enfants dans les filets de leurs penchants égoïstes ou malades, chacun d’eux devenant ce qu’ils sont dans leur part la plus laide ou la plus médiocre.
En place d’une montée du suspense, nous n’avons qu’une croissance de malaise avec un arrière-goût d’agressivité dont on ne s’étonne pas qu’il débouche sur l’accident du seul personnage resté digne dans ce quartier.
Au final ce roman assez léger ne m’a guère enchantée.


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Padgett, Abigail – Poupées brisées

Titre original : Dollmaker’s Daughters
Traduction : Danièle Bondil et Pierre Bondil.


Bo Bradley est assistante sociale au service de protection de l’enfance. Sa cheffe l’a prise en grippe depuis son entrée en service et tente en vain de la licencier. En effet tout les oppose, l’une se laisse guider par ses intuitions et ce don de seconde vue qui lui vient par moments et qu’elle attribue à sa maniaco-dépression, l’autre ne pense que par règlements interposés et fait fi des personnes et des enfants qui n’entrent pas dans ce cadre légal.
Non seulement Bo ne se plie pas aux dictats de sa cheffe, mais elle va bien au-delà de sa fonction et s’engage auprès des enfants dont elle s’occupe en enquêtant sur les raisons profondes de leurs troubles.
Comme par exemple cette jeune adolescente de 13 ans qui au cours d’une soirée, se fige après avoir crié « Kimmy », le nom de sa poupée brisée attachée à son poignet. Bo va éviter la mise en hôpital psychiatrique de cette enfant sensible et souffrante que sa cheffe veut faire interner et dont elle retire la charge à Bo, ce qui n’ébranle en rien l’engagement de notre héroïne étonnée de ce que cette ado soit en famille d’accueil alors que ses parents et grand-parents vivent encore. Et notamment ce grand-père fabricant notoire de poupées
Vivent encore oui mais de quelle façon et jusqu’à quand ? Car tout se passe comme si le cri de l’adolescente signait l’annonce d’un passé et d’un présent criminel dans sa famille.
Touchant, bouleversant, original et passionnant, ce roman d’une richesse que je n’ai fait qu’effleurer est le dernier d’une série à lire selon les opportunités.

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McFadden, Freida – La femme de ménage

Titre original : The housemaid
Traduction : Karine Forestier


A sa sortie de prison, et sans travail, Millie, à 27 ans, vit dans sa vieille voiture. Aux abois, elle postule chez une richissime dame prête à l’engager. Millie est ravie même si elle doit dormir dans un minuscule cagibi meublé d’un mince lit de camp et doté d’un verrou à l’extérieur de sa porte.
Son employeuse, Nina, est une grosse dondon avec un Andrew de mari hyper sexy et une fille, Cecelia, d’emblée hostile à Millie et toujours vêtue de robes à dentelles démodées. Il y a encore un jardinier qui semble vouloir avertir Millie d’un « pericolo ».
Au fil des jours, Millie est troublée : la maison est chaque jour d’une saleté inimaginable, Nina prétend avoir dit ce qu’elle n’avait jamais dit et vice versa. Seul Andrew paraît normal, avenant et même plutôt attiré par la belle Millie.

Une histoire où les apparences sont tout ce qu’il y a de trompeur, où vous irez de surprises en surprises, et c’est déjà une raison de s’y précipiter mais en plus ce livre se termine de façon percutante ce qui est assez rare pour être signalé.
Bon il y a bien un petit côté excessif, un peu trop de coïncidences inespérables, mais si vous êtes prêts à un zeste de naïveté, vous verrez, ce roman est absolument jubilatoire

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Collette, Sandrine – Et toujours les forêts


Dès avant sa naissance, Corentin est haï par sa mère. Il terminera son parcours de rejet sur le seuil du taudis de la vieille Autgustina. Dure et revêche, cette dernière s’adoucira pourtant au contact de cet enfant aimant et généreux.
Alors que, devenu jeune homme, Corentin se trouve dans les sous-sol avec des amis, un bruit effroyable, inouï, fait trembler sols et plafonds, écrasant certains, poussant d’autres vers la sortie où ils s’embrasent aussitôt.
Bien plus tard, quand Corentin peut enfin sortir, le monde devant lui n’est que poussière, dévastation et mort. Dans ce paysage accablé, un seul but, une seule raison de vivre le met en route : rejoindre Augustina, et donc parcourir 400km à pied, chercher sa nourriture dans les maisons ruinées, enjamber les cadavres, se protéger des pluies acides et brûlantes, craindre chaque bruit, le souhaiter aussi, dans l’espoir insensé que la vieille Augustina l’attende toujours, que la vie, que l’amour éclairent encore ce monde devenu gris.

Dans ce roman, la beauté de l’histoire et celle de l’écriture s’entrelacent comme rarement dans la littérature. Les phrases ancrées au plus près de la terre, hachées comme le bois des forêts, rejoignent la musique des sphères et l’on ressort de ce livre bouleversé, tremblant, profondément ému comme au sortir d’une cantate de Bach.
Car l’art de Sandrine Collette est un art musical, capable d’exprimer l’indicible comme de faire résonner les silences, il tend toujours à réenchanter d’amour les mondes perdus et à teinter d’espoir le plus sombre des gouffres

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Delorme, Wendy – Devenir lionne


La narratrice vient ici, en relation avec la lionne, reparcourir deux étapes de sa vie amoureuse. La première à Berlin alors qu’elle avait vingt ans, et la seconde à quarante ans, en France.
C’est lors d’une visite au zoo de Berlin qu’elle tombe sur une lionne enfermée dans une cage étroite. Profondément émue par cet animal qui ne bouge pas sinon pour se mutiler, la jeune femme la visite fréquemment, fascinée par cette image d’elle-même puisqu’elle entretient au même moment une relation de dépendance malsaine avec un jeune homme qui l’encage psycho-sexuellement.
Si l’héroïne a tant de mal à quitter cet homme, c’est en vertu de ce déchirement entre son désir d’une vie riche, autonome, libre, et son besoin d’appartenir totalement à un homme, d’être même entravée par lui, ce qui la rend potentiellement encageable .
Quand vingt ans plus tard la narratrice aime à nouveau, elle craint de retomber dans la même cage qu’à Berlin. Mais avec ce second amour, elle comprend qu’il y a une troisième voie : un devenir lionne de la femme qui lui permet de sortir des cages mentales et sexuelles que la société, et elle-même, ont édifiés. Un devenir lionne piétinant les barreaux de la binarité et de la hiérarchie, inventant d’autres rugissements pour sortir de ce système qui n’engendre que la violence, la domination et la haine..
Ainsi, entre la liberté sans engagement et l’esclavage, il existe la confiance
Intelligent, enlevé, ce livre d’une femme forte et fragile, vulnérable et puissante, douloureuse et radieuse, est un appel à ce qui, dans la femme et par elle seulement, peut aboutir à un devenir autre, et donc à un avenir impensable dans les systèmes patriarcaux,

Merci à NetGalley ainsi qu’aux édition J.L. Lattès pour cette lecture.

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Antoine, Amélie – Pourquoi tu pleures ?

Dénigrée, dévaluée, sans cesse comparée négativement à sa soeur et son frère par une mère froide et méprisante, Lilas n’a d’existence et de valeur qu’aux yeux de son père aimant, mais ce dernier décède brutalement .alors qu’elle n’a que 16 ans. Endeuillée de son père et d’elle-même, Lisa ne reprendra pied qu’avec Maxime, ce garçon charmant, attentionné et drôle que tous adorent.
Sous le regard amoureux de son ami devenu son mari, Lilas s’épanouit et plus tard, met au monde une petite Zelie qui dort mal, crie et pleure énormément. Lilas exige d’elle-même d’être une épouse et une mère idéale, toujours disponible et souriante, mais ces devoirs l’épuisent de plus en plus. Un soir, elle se repose tandis que Maxime se rend chez un collègue avec Zelie, mais ils ne rentrent pas. Le lendemain, affolée, Lilas appelle la police.

Un livre poignant sur l’impossibilité d’expliquer nos actes quand, portés par une infinité de micro-lésions, ils s’extériorisent un jour sous forme d’un éclat brutal.
Un ouvrage sur l’insondable solitude de l’être humain, une solitude accentuée encore quand cet être fut engendré dans le gouffre du rejet et se voit constamment menacé d’y retomber.
Un roman sur l’incommunicabilité des vécus et des ressentis qui, de quelque façon qu’on s’ingénie à les exprimer, seront toujours déformés par les vécus et ressentis de ceux qui les écoutent.
Alors, à la solitude s’ajoute l’isolement.
Un livre qui touche, émeut, fâche et poignarde

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Köping, Mattias – Le Manufacturier


Voyez comme aujourd’hui croît le nationalisme au nom duquel, à l’instar du Dieu de jadis toujours récupérable, les pires abominations sont admises et justifiées. Alors les sadiques, les psychopathes, les monstres tout poil se réveillent, s’adonnent à leurs pire penchants et en tirent gloire et avantages.
Ainsi cette fureur qui s’empara des serbes orthodoxes et des croates catholiques dans les années 90, semant des charniers derrière eux, menant une guerre faite de crimes de guerre, creusant des marques indélébiles où se ressourceront la haine, la vengeance, le ressentiment, dans une spirale sans fin.
Lorsque la paix est signée, les tortionnaires fuient ou se cachent sous de fausses identités où telles des hyènes ils attendent en s’aiguisant les dents.
Mais certains hommes s’en indignent et consacrent leur vie à poursuivre et punir les criminels de guerre, ce qui gène tant les corrompus au pouvoir que les criminels recyclés.

2017. Vous allez rencontrer le capitaine Radiche, un flic glacial, cruel et détestable ; Irena, une avocate serbe qui fut victime des horreurs croates mais a sublimé sa haine en réclamant justice pour toutes les victimes ; Milovan, un enfant adopté en France qui connut les mêmes atrocités qu’Irena mais causées par les serbes ; et enfin le manufacturier, un homme à l’identité mystérieuse qui pratique les pires tortures imaginables pour en jouir et les vendre en ligne

Un thriller renversant, magistralement écrit et construit mais extrêmement, atrocement dur. Un livre désespérant, d’une noirceur qui exclut toute lumière. Un roman qui démontre l’éternel retour du même Mal absolu.

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Rouchon-Borie, Dimitri – Le Démon de la Colline aux Loups


Le narrateur, emprisonné pour longtemps, entame le récit de sa vie depuis son enfance où il vivait dans une pièce noire, blotti contre ses frères et soeurs, enfoui quasi sans mots dans la chaleur de leur unité. Jusqu’à ce que Duke, ainsi apprend-il son nom, soit tiré de là par le service social obligeant ses parents à le scolariser. Complètement perdu dans un monde dont il ne connaît aucun objet et aucun usage, Duke sera en plus l’objet de viols sauvages de son père jusqu’à son hospitalisation et le placement des enfants. S’il a témoigné contre son père et sa mère, c’est pour sauver sa soeur préférée, Clara, celle qui le consolait après les viols subis, celle dont il voulait à tout prix protéger l’innocence.
Comme Duke ressent en lui une rage grandissante, qu’il nomme son Démon et dont il ignore les limites, il quitte tout et part,

C’est raconté dans une langue riche de sa pauvreté, infiniment belle, nourrie à l’innocence de l’enfance bafouée, une langue qui vient vous déchirer le coeur, vous arracher les tripes et vous briser l’âme.
Et même si le Démon s’empare par moments de Duke, cette rage irrépressible se lèvera toujours afin de défendre l’innocence de sa soeur préférée, celle qu’il a sauvée de la noirceur du père et dont le nom, Clara, demeurera en lui comme une rédemption, comme une clarté pure et belle.

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Kishi, Yusuke – La leçon du mal

Traduction : Diane Durochers


Hasumi, professeur d’anglais dans le lycée privé Shinko, parvient à résoudre rondement et avec succès tous les problèmes et conflits survenus dans l’école. Adoré par ses élèves, apprécié par la plupart de ses collègues, il n’y a véritablement qu’une élève, Reika, et le chien de ses voisins qui se défient de lui.
Parmi le staff des professeurs sérieusement entamés, Reika redoute et se méfie surtout d’Hasumi parce qu’usant de ses charmes, il tisse la toile au coeur de laquelle il englue ses victimes.
Totalement dénué d’empathie, Hasumi a appris, tout jeune encore, à imiter les expressions liées aux sentiments, et comme il possède un don d’acteur effarant, il parvient aisément à tromper son entourage.
Il ne jouit pas tant, comme la plupart des psychopathes, de faire souffrir et de tuer ses victimes, non, sa vraie jouissance c’est de berner les autres et de les voir ensuite se dépêtrer dans la confusion et la peur.
Face à la naïveté et l’aveuglement de tous, Hasumi prendra de plus en plus de risques, sûr de demeurer impuni.
Un roman qui malheureusement, au lieu d’aller vers plus de nuances et de profondeur, verse dans l’excès et l’invraisemblance, sinon dans la farce.

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Hiltunen, Pekka – Sans visage

Traduction : Taina Tervonen

Touchée par le sort d’une jeune femme dont le corps, passé sous un rouleau compresseur, s’est vu exposé dans la City, Lia Pajada, jeune graphiste finlandaise, veut rendre son nom et sa dignité à cette femme que la presse dénomme « sans visage »
Lia se lie bientôt d’amitié avec Mari, une femme à l’intelligence et à l’intuition hors normes. Graduellement, Lia apprend que son amie consacre sa vie à faire obstacle à l’injustice et la violence.
Ainsi, aidée de quelques amis remarquables, Mari s évertue à faire tomber le leader d’un parti d’extrême droite propageant la haine et la violence. Lia assiste son amie et entreprend des fouilles en vue de déterrer le passé de cet homme vénéneux.
Mais Lia se sent toujours en devoir de réhabiliter la femme sans nom dont l’ADN s’est révélé d’origine balte. Lia se renseigne alors sur la victime dans les bars et épiceries baltes où elle ne reçoit que silence et hostilité avant d’en ressortir, suivie par un homme qui a tout l’air d’un tueur au solde de la mafia.

Entre le monde de l’extrême droite qui rassemble surtout de jeunes hommes en mal de virilité et de domination et le monde de la prostitution où la femme est vue comme une esclave sexuelle, il y a une continuité de vie, de politique et de moeurs que les deux amies veulent combattre.
Mais elles s’opposent dans leur manière de mener ce combat : Mila estime que la fin justifie les moyens, Lia considère que les moyens doivent se conformer aux principes de leur fin.
Ce roman particulièrement actuel allie l’intelligence à l’émotion et j’en attends la suite avec impatience.

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Vincent, Gilles – Usual victims

Camille est déjà la 4ème jeune femme qui se suicide par pendaison dans les locaux de Titania, une sorte de géant Amazon. Et cette sorte de contagion atteint une chef comptable qui se jette du toit après avoir détecté une fraude financière.
Une équipe de policiers s’installe dans Titania pour éclaircir ce mystère. Elle se compose de Martin et Clémentine, le premier peu futé, la seconde plus finaude et mature, auxquels s’ajoute Stéphane, un jeune stagiaire taxé d’Asperger ou d’autisme, en tous cas un homme taiseux, quelque peu obsessio nnel etdont les capacités d’observation et de logique sidèrent ses collègues.
Toutes ces femmes décédées sont dans la même tranche d’âge, mais qu’ont-elles d’autre en commun ?

Ce roman mené par un tueur en série particulièrement effrayant car il anticipe tous les chemins que prendra la police et s’amuse à semer de faux indices pour mieux la piéger.
On entre également dans le labyrinthe du dark web et dans une course poursuite tout aussi dédaléenne qui se terminera en pied de nez assez réussi mais frustrant.
Un roman policier étonnant, avec un dispositif scénarique parfois un peu facile, plutôt tiré par les cheveux, mais surprenant

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Carrisi, Donato – La maison sans souvenirs

Titre original : La casa senza ricordi
Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza


Pietro Gerber est psychologue hypnotiseur d’enfants en souffrance. Lui-même est englouti dans une misère affective qu’il fuit en se réfugiant dans l’imaginaire jusqu’à en perdre la notion du réel.
Huit mois plus tôt, une mère et son enfant se sont évaporés en plein bois. Aujourd’hui une femme, dans ce même bois, vient de tomber sur l’enfant mutique et figé. Afin d’amener l’enfant, Nikolin, à parler, Pietro est appelé par la juge et, sous hypnose, l’enfant dit avoir tué sa mère. Mais Pietro entend que l’enfant ne parle pas en son nom, qu’il est parlé par un autre qui, ayant hypnotisé Nikola, transmet sa propre histoire et adresser un message à Pietro. Mais ce dernier veut à tous prix libérer l’enfant de cet « affabulateur» (selon une malheureuse traduction car cet homme, capable de s’introduire dans l’esprit des autres, possède un talent d’hypnotiseur inouï et en mérite le titre.)

Quelle puissance dans ce livre qui justement démontre la puissance de l’esprit sur nos corps et nos actes, un esprit qui nous conduit à nous dépasser mais aussi à nous égarer.
Comme souvent chez l’auteur, il y a une histoire dans l’histoire, et tandis que la première est un leurre et la seconde une énigme, il y a encore une troisième dimension, celle de la vérité, ici adressée à Pietro Gerber et qu’il n’entendra que trop tard
Un livre redoutablement intelligent et profond.

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Lebarbier, Sophie – Les liens mortifères.

Léonie est une psychologue sujette à l’embonpoint et à quelques entraves psychologiques dans sa vie.
Sa soeur aînée, Ingrid, a fui la maison au décès de leur père adoré et épouse peu après Victor, un producteur de séries et un homme toxique qu’elle finira par quitter. Léonie a vécu le départ de sa soeur comme un abandon qui déchira sa jeune adolescence.
Après un long silence, Ingrid lui envoie un mot lui demandant de se rendre dans un lieu où Léonie découvre un nourrisson seul et affamé. Aussitôt appelée, la commandante Fennetaux fait analyser l’ADN du nouveau-né qui correspond bien à celui d’Ingrid ainsi qu’à celui d’un homme fiché comme dangereux.
Quand le corps outragé d’Ingrid sera découvert dans la forêt, Léonie et Fennetaux vont unir leurs compétences et leurs fragilités pour résoudre ce drame aux origines moyenâgeuses en même temps qu’elles perceront quelques mystères de leurs âmes.

Les chapitres alternent entre l’enquête et ce passé d’il y a 70 ans quand une communauté vivait ainsi qu’au Moyen-Âge et dans la croyance en Halaïde, la sorcière-guérisseuse des temps anciens qui délivra les villageois d’une horde meurtrière et fut dès lors pourchassée par ces mêmes villageois effrayés par son pouvoir. Réfugiée en son arbre protecteur, elle y perdit la vie devant ses poursuivants qui vécurent hantés par cette vision.
Bien écrit, c’est un premier roman accrocheur dont les quelques incohérences n’ont pas entamé mon plaisir de lecture.

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George, Elizabeth – Une chose à cacher

Titre original : Something to hide
Traduction : Nathalie Serval


Il a fallu le meurtre d’une officier de police noire qui investiguait sur les mutilations sexuelles exécutées sur les petites filles pour que ces barbaries clandestines deviennent l’objet d’un intérêt réel. L’inspecteur Tommy Linley et le sergent Barbara Havers sont chargés de trouver le tueur et de poursuivre celles qui pratiquent ces excisions et infibulations.
Si la recherche du tueur est un travail de fourmi laborieux et un art de déduction, d’imagination et d’intuition qui nous tiennent en haleine, c’est davantage l’horreur de cette pratique qui nous frappe. Et la violence aussi de cette idéologie de l’excision promue au statut d’initiation, de rite de passage, de signe de pureté puisque cette mutilation assurera au futur mari la non-jouissance de sa femme moins tentée d’aller voir ailleurs si c’est mieux et n’attendant plus de lui d’être un bon amant.
Tradition, trahison transmise de femme en femme malgré la honte du corps abîmé, malgré les souffrances parfois durables, malgré les rapports sexuels où la femme est réduite à n’être plus qu’un réceptacle.
Il faut avoir l’intelligence du coeur et le courage d’un héros pour s’arracher à une idéologie dans laquelle on baigne depuis toujours.

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Willingham, Stacy – Une lueur dans la nuit

Titre original : A Flicker In The Dark
Traduction : Elvis Roquand

Comment vivre quand, à 13 ans, vous apprenez que votre père est ce monstre qui a enlevé et tué 6 jeunes filles de 15 ans, dont votre amie ? Quand en plus, vous subissez l’opprobre des voisins s’acharnant contre vous comme si vous étiez complices ou infectés du même mal ? Chloé veut oublier ce passé qui lui laisse des peurs dévorantes et un abus de médicaments. Son frère aîné, séducteur-né devient hyperprotecteur envers elle. Et leur mère est sortie lourdement handicapée de son suicide manqué.
Vingt ans plus tard, Chloé va se marier quand des adolescentes disparaissent et meurent de façon étrangement similaire aux jeunes filles d’antan. Parallèlement à la police, Chloé veut découvrir qui est cet imitateur de son père. Mais l’assassin est roué et se joue de Chloé comme de la police

C’est un roman captivant, bien construit et riche en émotions.
Chloé va nous amener à soupçonner successivement tous les hommes qui l’entourent, mais sa lucidité est mise en doute par ses proches étant donné son abus de médicaments, par la police qui l’estime trop émotionnellement investie, par nous-mêmes également.
Bien qu’il pêche par ses longueurs, ce premier roman annonce une auteure prometteuse.

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Carrisi, Donato – La maison des voix

Titre original : La case delle voci
Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza


Pietro Gerber est un psychologue hypnotiseur d’enfants pour le tribunal à Florence. Peu intuitif et rationaliste, il enregistre ses patients avec des caméras cachées sans leur accord.
Une collègue lui téléphone d’Australie et lui demande de se charger d’Hanna Hall venue habiter à Florence, car elle prétend avoir tué Ado, son petit frère. Quoique réticent, Pietro accepte de la suivre mais Hanna outrepasse toutes les règles thérapeutiques, ce qui inquiète Pietro parce que lui-même, attiré par la jeune femme, ne se tient plus à son rôle de psychologue. Sous hypnose, Hanna raconte ses premières années avec ses parents, fuyant les autres, déménageant sans cesse dans des lieux reculés, abandonnant tout derrière eux sauf une petite caisse gravée au nom d’Ado. Une vie rude mais heureuse, illuminée par l’amour de ses parents.

C’est un formidable roman sur la mémoire inconsciente ou indicible. Chez les enfants, elle est reconstruite, déformée ou inventée au point de sembler mensongère alors qu’elle est leur seule manière d’exprimer la vérité.
Chez l’ adulte, elle est si profondément enfouie sous des couches d’oblitérations et de fermetures que seule une main tendue et acceptée pourra conduire l’adulte au bord de cette vérité qui le détruit et le sauve.




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Rekulak, Jason – Hidden pictures

Traduction : Annaig Housnard

A la suite d’un drame, Mallory sombre dans la dépression et la dépendance jusqu’au jour où elle croise la route de Russell. Ce dernier l’aide à remonter la pente et à se faire engager comme nounou chez les très riches Maxwell, parents d’un petit Teddy de 5 ans. Elle pourra même, à sa grande joie, loger au fond du jardin dans un petit chalet réaménagé douillettement.
Teddy est chaleureux, tendre et plein d’imagination, mais il lève quelques inquiétudes chez sa nounou: énurétique, il refuse de jouer avec les gamins de son âge et surtout la main d’Anya, son amie imaginaire, prend parfois possession de la sienne pour dessiner une histoire effrayante.
Quand Mallory leur en parle, les parents de Teddy lui intiment de considérer ces petits travers comme inhérents à son âge.
Alors, pour libérer Teddy, Mallory va prêter sa main aux dessins/desseins d’Anya.

Ce roman démontre qu’une vérité occulte et indicible ressurgit toujours, quitte à recourir au paranormal, quitte à forcer une main à livrer son message codé et cela jusqu’à ce qu’elle soit enfin acceptée et comprise.
Si l’on excepte un passage de violences assez discordant avec l’ensemble de l’ouvrage, ce roman est très agréable à lire et sa finale, tout en délicatesse et en émotions, est remarquable.

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Schoeters, Gaea – Le trophée

Titre original : Trofee
Traduction : Benoît-Thaddée Standaert

Hunter White est un financier corrompu pour qui tous les moyens sont bons afin de s’enrichir, ce qui lui permet, chaque année, de s’offrir un trophée de chasse.
Hunter estime qu’abattre un animal pisté et traqué par des hommes non armés qui lui désignent enfin sa proie calmée est une chasse glorieuse. De plus, il prétend préserver la nature en s’appuyant sur des arguments qui refusent d’envisager l’autre versant des choses.
Mais le gibier convoité a été abattu par des braconniers. Alors Van Heeren, le guide de ces chasses aux trophées, qui connaît la noirceur de White, client chez lui depuis des années, va l’amener chez les bushmen avec une intention lucrative bien peu louable.’

Quand White et Van Heeren pensent le monde comme marchandise, les bushmen le perçoivent comme don et sacrifice. Ce n’est qu’une fois immergée dans le monde de l’autre que l’avidité sera déroutée et dévoilera pleinement l’être véritable du prédateur
L’écriture est magnifique, capable de convoquer la beauté et la grandeur des paysages comme d’évoquer les circonvolutions de l’esprit humain, depuis l’occlusion à toute pensée autre chez le Chasseur jusqu’à son acceptation par les bushmen pour qui tout participe au sens du monde.

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Lykke Holm, Johanne – Strega

Traduction Catherine Renaud

Neuf femmes de dix-neuf ans, dont la narratrice, ont rejoint l’Hôtel Olympic isolé dans les Alpes. Elles ont été envoyées dans ce bâtiment rouge sang dominant un lac aux traîtres remous afin, aucune d’elles ne voulant devenir épouse, d’en apprendre le métier.
Elles sont pures, éthérées, pleines de rêves et de tendresse. Elles seront formées par trois enseignantes douces et sadiques, à coup de punitions collectives, à exécuter toutes les tâches de la servitude féminine et à éviter le pouvoir d’attraction des nonnes résidant au prieuré du village.
Mais l’hôtel n’attire aucun client et cette mascarade d’un service quotidien dans les chambres, à la cuisine, à table alors qu’il n’y a personne à servir engendre, et peut-être en est-ce le but, le désir de voir enfin venir cette clientèle masculine pourtant porteuse de mort. Ce sera d’ailleurs lors d’une fête donnée à l’hôtel que l’une des femmes disparaîtra.

Etrange allégorie aux relents fortement sexistes et sexués, ce livre inclassable conjugué en la personne du Nous plaira sans doute aux amateurs d’une poésie teintée d’un gothique où le rôle de la femme servile et de l’homme prédateur ont subsisté tels que jadis.
Amateur dont je ne fais pas partie.

Merci à Babelio et sa Masse Critique ainsi qu’aux éditions La Peuplade

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Querbalec, Emilie – Les Chants de Nüying 

En 2563 des chants évoquant ceux des baleines sont détectés sur Nüying, une exoplanète située à vingt-quatre années-lumière de la Terre.
Brume, la spécialiste des langages marins rêve d’une fusion d’entente avec cette entité chantante tandis que William, son ami cybernéticien, rêve d’une fusion totale avec Brume.
Le cargo-monde à destination de Nüying abrite des spécialistes Terriens et Sélènes, mais ces derniers subissent une discrimination qui poussera nombre d’entre eux vers la secte de l’Eveil inaugurée par un moine tibétain et dont le but est l’éternité céleste, contrairement au financier chinois du cargo dont le but est l’immortalité terrestre par transfert de sa mémoire numérisée sur un clone.
Des scissions dans l’équipage et des déboires techniques font s’échouer le cargo sur Nüying, cette planète de l’Imprévisible absolu.

J’ai trouvé ce roman d’une richesse, d’une intelligence et d’une sensibilité admirable. Au fil de ses pages, de nombreuses questions surgissent, telles que : Notre être équivaut-il au total de notre mémoire conscience numérisée?
Le thème qui court tel un fil d’or tout au long de ce livre est celui du sens que les personnages donnent à leur voyage, un sens qui ne se réalisera que s’il dépasse la sphère de l’ego, de l’intéressement personnel et ne s’accomplira pas selon notre idée de sa réalisation, mais tout autrement, en s’abandonnant à l’Autre

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May, Peter – L’homme de Lewis

Titre original : The Lewis Man
Traduction : Jean-René Dastugue

A la mort de son fils, Fin perd le contact avec sa femme et son métier de flic. Il retourne alors sur l’île de Lewis, île de son enfance et de son premier mariage, là où la tourbe est reine et où des corps en émergent parfois dans un état de préservation étonnante.
Or un de ces corps manifestement assassiné et ne datant que d’une cinquantaine d’années vient d’apparaître ; son meurtrierce pourrait donc être encore en vie. Or l’ADN du corps correspond à celui de Tormod Macdonald, un vieil homme perdu en Alzheimer et père de la première épouse de Fin. La police risque de soupçonner Tormod d’être l’auteur du meurtre (!!) aussi Fin va-t-il enquêter pour éviter une erreur désastreuse pour ce vieil homme plein de bonté. Mais comment procéder quand Tormod vit dans la confusion et que même son nom semble usurpé ?

Au rythme des fulgurances qui traversent l’esprit malade de Tormod, son passé ressurgit, douloureux, dramatique, révoltant. En effet pendant des décennies, l’église catholique écossaise a envoyé les « homers », ces enfant orphelins, comme Tormod, ou abandonnés, dans les îles Hébrides afin de servir de main d’oeuvre ou d’esclaves à une population extrêmement pauvre
Remarquablement écrit, ce roman, par le biais d’une enquête policière, dénonce un fait de société méconnu et proprement scandaleux

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Reid, Ian – Je sens grandir ma peur

Titre original : I’m thinking of ending things
Traduction : Valérie Malfoy

Jake et la narratrice se connaissent depuis peu, pourtant le jeune homme désire lui faire rencontrer ses parents. Durant le trajet le couple échange parcimonieusement, car la narratrice refuse de parler de ces appels anonymes qu’elle reçoit depuis son propre numéro et qui, sans être menaçants, sont troublants.
De même elle passe sous silence son projet d’en finir.
Les parents de Jake se montrent accueillants mais une atmosphère d’inquiétante étrangeté émane de leur ferme. .
Au retour, pris dans une tempête de neige, le couple s’arrête près d’une école, et pénètre dès lors dans une autre dimension, celle de l’intériorité fondamentale, là où la solitude est la plus désespérante et la plus désirée ; là où le secours de l’autre est appelé dans l’effroi de son absence et la menace de sa présence ; là où peut prendre place tout autre interprétation que notre douleur et notre terreur d’enfance y versera
Interrompant cette narration, deux personnages discutent d’un homme qui s’est donné la mort.

Un livre fort bien écrit et très étrange parce qu’usant principalement du symbolique et de la pensée imagée. Un livre que je ne qualifierais pas de thriller psychologique, même s’il y a une montée d’angoisse évidente, mais de roman métaphysique parce que les personnages incarnent des idées en mouvance et n’ont dès lors ni consistance ni chaleur humaine.

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Pavicic, Jurica – La femme du deuxième étage

Traduction : Olivier Lannuzel

Bruna est en prison et ne reçoit de visites que de sa mère et de Suzana, son amie, sa mère par culpabilité, son amie par soutien.
Au long de ces années de détention, Bruna se souvient : de son passé misérable, de sa rencontre subjuguée avec Frane et avec sa mère, Anka, sorte d’araignée régnant au centre de sa toile.
Le couple s’installe à l’étage au-dessus de celui d’Anka qui possède le bâtiment ; solution plus économique certes mais qui implique pour Bruna de devoir manger avec elle, de subir ses piques et ses demandes incessantes, de souffrir ce dénigrement, cette destitution que Frane ne perçoit absolument pas puisqu’il idéalise sa mère et que, marin, il s’absente de longs mois
Or un jour de canicule Anka fait un AVC qui la laisse impotente. Frane parti, Bruna en aura seule la charge…

Bruna se refuse le droit d’exprimer sa fatigue, sa déception, sa souffrance. Elle endure en silence, un silence issu d’un excès de finesse et de générosité
Ce roman est imprégné d’un fatalisme dans lequel nos actes et nos vies seraient l’aboutissement d’une série d’incidents extérieurs, sans pour autant que cela nous dédouane de la culpabilité et de la responsabilité envers les autres qui n’ont pas à en subir les conséquences
J’ai été touchée par la douleur-douceur, la nostalgie, la solitude et une forme de désespoir espérant qui sont l’âme de ce livre

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Brundage, Elizabeth – Point de fuite

Titre original : The vanishing point
Traduction : Cécile Arnaud

Rye, Julian et Martha sont des élèves de l’école Brodski. Tous trois recherchent la célébrité, ce point de mire (mirage) qui cache et révèle en sourdine leur point de fuite, cet idéal, ce sens d’être et de vie qui ne leur apparaîtra, pour deux d’entre eux que bien plus tard.
Très jeune déjà, Rye se distingue par ses portraits pris dans une composition qui les humanise, Julian photographie des lieux vides de toute humanité, Magda prend sur le vif ses voisines, ces jeunes polonaises laborieuses qui connaissent la souffrance et les grandes joies partagées.
Seul Rye connaît la célébrité, et sa carrière brillante le jette et le perd dans son point de mirage. Julian, jaloux de la célébrité de Rye, ronge son amertume avec l’os publicitaire et ses richesses. Julian ira jusqu’à épouser sans amour Magda, le premier amour de Rye, dans un moment où la jeune femme est particulièrement fragile.
Magda suivra son point de fuite, plus limpide pour elle en tant que femme que la vie a éprouvée, elle vit pour sauver son fils de l’addiction dans laquelle il fut entraîné faute de point de fuite.
Un point de fuite est pourtant toujours déjà là, dès le départ, mais ne se découvre qu’après avoir perdu son ou ses points de mire.
Un tel point de fuite n’est pas soumis aux aléas du monde ; au contraire, il est alors plus que jamais précieux puisqu’il pousse l’homme à vivre dans le dépassement de soi, ce qui distingue sans doute le plus essentiellement l’homme comme digne de ce nom.
Un roman qui allie le trio du coeur, de l’intelligence et de l’écriture.
Un très grand livre.

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Brookmyre, Chris – L’ange déchu

Titre original : Fallen Ange
Traduction : Céline Schwaller

Après les obsèques de son mari Max, Célia Temple désire rassembler sa famille dans leur villa au Portugal que Max aimait tant. Il était un professeur de psychologie brillant, reconnu pour sa méthode de décomposition des théories complotistes.
Les voisins des Temple ont engagé une nounou, Amanda qui, étudiante en journalisme, est ravie de passer l’été près des Temple car elle voue une admiration absolue aux travaux de Max.
Célia Temple fut une actrice célèbre, aujourd’hui âgée, elle éprouve le besoin de tester son pouvoir de séduction ainsi que de régner sur ses enfants. Seule sa dernière, Sylvie/Ivy échappe à cette emprise, éveillant ainsi chez sa mère une rage tenace
Seize ans plus tôt, un drame terrible eut lieu dans cette demeure, un drame qui en cachait bien d’autres
Alors Amanda, pourtant éblouie par cette famille, commence à discerner les contours de secrets inavouables

A partir de quand le soupçon envers une théorie devient-il du conspirationnisme? Comment départager ce conspirationnisme du l’investigation honnête, voire du lancer d’alarme ?
Comment se construire quand l’on est sans défense face à une armée de manipulations et de fausses déclarations ?
Comment se construire dans une famille quand tout y mensonges déniés, désaveux, hypocrisies, dénégations, parjures et toutes les manipulations et torsions dont les esprits pervers sont capables et dont ils jouissent abusivement?
Telles sont quelques questions que ce livre magistral soulève avec une intelligence et un style hors pair. 



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Chambers, Becky – Apprendre, si par bonheur

Titre original : To be taught, if fortunate
Traduction : Marie Surgers

Voici un texte adressé par Ariadne à la Terre éloignée de 14 années lumière, Terre qui, après avoir envoyé une multitude de nouvelles désastreuses, s’est tue.
Ariadne est l’une des 4 scientifiques partis en expédition vers différentes planètes. Lors de leurs voyages, ils sont régénérés, ce qui avec la vitesse de leur vaisseau, ralentit leur vieillissement.
Ils parviennent d’abord sur Aecor, une planète de glace sous laquelle des organismes inconnus s’illuminent la nuit. Ils visitent ensuite trois autres planètes aux vies et à la nature étonnantes, le plus souvent il sont émerveillés, parfois effrayés, mais toujours infiniment respectueux des êtres qui s’y sont adaptés
Mais ensuite, que faire quand plus aucun message, plus aucune instruction ne provient de la Terre ? Comment agir dans le respect de l’éthique, de la dignité humaines et avec le consentement de tous ?

Ce roman est une splendide et authentique utopique parce que jamais il n’envisage de conquérir ou d’exploiter ce que ces planètes ont à offrir, les scientifiques observent, recueillent des données, se recueillent devant ces étonnants paysages, s’entraident et s’aiment profondément.
Face à ce foisonnement de vies étrangères la difficulté est surtout langagière car notre langue est intrinsèquement liée à la terre, et les comparaisons ont vite atteint leur limite et nous sommes bien pauvres dans nos capacités d’en rendre compte
La fin est bouleversante et admirable

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Carabédian, Alice – Utopie radicale

L’utopie est presque un terme antinomique à celui de progrès puisque le progrès, scientifique et technique – et donc réservé aux plus riches, au détriment de la planète et des autres dès lors réduits à ne pouvoir que survivre dans un monde détruit – est le fondement (capitaliste) de toutes les dystopies
La dystopie est le progrès réalisé selon la formule d’Alice Carabédian.
Le progrès dystopique programme toujours la conquête d’autres lieux ou planètes afin de les exploiter jusqu’à leur épuisement
L’utopie radicale n’est pas cet imaginaire du bonheur à la Thomas Moore ou Charles Fourier conçu comme un système qui, en tant que tel, ne peut se maintenir qu’à force de diktats et finalement d’une tyrannie.
A contrario, l’utopie radicale est portée par son auto-critique, ses débats et les percées que réalisent ses nouveaux concepts créant d’autres façons de penser.
L’utopie radicale est un mouvement d’ouverture éthique infini.
La dystopie et l’utopie radicale rejoignent ainsi les concepts lévinassiens développés dans son ouvrage « Totalité et Infini »
NB Lire Becky Chambers et sa sublime utopie radicale : « Apprendre, si par bonheur »

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