à la Une

Hargrove, Rachel – La patiente


Sélène Marks, la célèbre dermatologue des stars, a disparu. Les soupçons se portent sur Ava, sa cliente venue pour effacer son acné et dont le traitement par un peeling au phénol a été un désastre si bien qu’on a dû lui faire des greffes de peau comme les grands brûlés. Désespérée Ava harcèle Sélène qui, bouleversée et pleine de remords, craint malgré tout un procès qui mettrait à mal sa carrière.
Les réseaux sociaux accusent Ava d’avoir tué la dermatologue et la harcèlent sous l’impulsion d’un certain LimierDeLaVérité qui étrangement, connaît tout d’elle. Qui se cache derrière ce nom ?
Et finalement Ava aurait-elle à voir avec cette disparition ?

Si vous aimez les énigmes où chaque personnage détient des secrets camouflant d’autres silences, où les possibles kidnappeurs et les suspects d’être ce fameux LimierDeLaVérité passent d’un personnage à l’autre, depuis la soeur d’Ava en passant par le fils de Sélène, ou son amant ou d’autres encore, si vous aimez être ainsi ballottés de questionnements en suspicions, de doutes en déroutes, alors lisez ce thriller psychologique.
Et psychologique il l’est puisqu’il aborde la thématique très actuelle de la course à la beauté et la perfection standardisée auxquelles d’obligent tant de femmes. Une recherche plastique aux risques nombreux, une quête de l’apparence où s’admire l’ego au détriment de l’être et de ses failles si attachantes.

à la Une

Majumdar, Megha – Dans les flammes

Titre original : A burning
Traduction : Emmanuelle Heurtebize


Jivan, une adolescente vivant dans un bidonville, se trouve à la gare quand des terroristes mettent le feu aux wagons d’un train dont les portes ont été scellées. Choquée de voir les policiers inactifs, elle met un commentaire négatif sur Facebook et la police déboule, l’accuse d’avoir fomenté cet attentat et l’ incarcère.
Monsieur EPS, ancien professeur de Jivan, la connaît et la sait innocente mais il nourrit des ambitions politiques et pour y parvenir, il est prêt à tout.
Lovely est une hijra (une femme née dans un corps d’homme) à qui Jivan a enseigné gratuitement l’anglais, obligatoire pour participer au cours d’art dramatique, car Lovely est talentueuse et rêve de devenir une grande star.
Depuis sa prison sordide, insalubre et crasseuse, Jiran va se battre et tout tenter pour faire valoir son innocence.

Dans ce magnifique polar indien injustement méconnu, ce n’est pas l’Inde magique des fêtes colorées et des palais somptueux que nous rencontrons, mais celle de la majorité, pauvre et privée de tout recours comme de toute compassion.
La pauvreté est méprisée, bafouée et exploitée puisque le système de castes gère toujours les relations sociales et que la vie des miséreux, surtout quand il s’agit des femmes, ne vaut strictement rien.
Maladie endémique des pays pauvres, la corruption règne à tous les échelons de la société, chaque détenteur d’on pouvoir, si minime soit-il, en usant pour abuser les autres.
Une lecture qui s’effectue les larmes aux yeux et la compassion pétrissant le coeur quand ce ce ne sont pas la révolte et l’indignation qui bouillonnent et nous laissent sans voix pour un long moment.

à la Une

Collette, Sandrine – Il reste la poussière


Patagonie. Dans une estancia d’élevage, la mère gère tout d’une main de fer et fait travailler ses fils comme des esclaves, sans répit ni loisirs..
Raphaël, le petit, est né après la mort du père. Les aînés, des jumeaux, estiment Rafael responsable de ce départ, le haïssent et le maltraitent avec une cruauté extrême. Lancés sur leurs chevaux ils se jettent l’enfant terrorisé comme un ballon, sous le regard indifférent de la mère.
Le troisième fils, Steban, imite d’abord ses aînés mais comme il bégaie, ses frères le rejettent et le traitent de débile. Car une nuit, Steban a vu sa mère partir avec son père et revenir seule, couverte de sang. Depuis,.la peur de subir le même sort le paralyse, figeant sa langue et son esprit.
Quand Rafael reçoit son cheval, il connaît son premier bonheur, mais un soir de fatigue et de coups il oublie de fermer la porte et deux chevaux s’enfuient. Il quitte alors l’estancia et se promet de ramener les chevaux échappés.

Avec son écriture stupéfiante d’imagination et de beauté, dans laquelle s’entend le galop des chevaux, les cris de haine et de peur des frères, la force d’indifférence de la mère et la passion d’un peuple au sang chaud, avec ses personnages qui ont la puissance et l’envergure des héros tragiques, avec son exaltation de la nature et du monde sauvage, Sandrine Collette nous offre à mon sens un de ses plus grands romans, un livre qu’il convient de lire tout haut tant ses mots et ses phrases frappent les corps et touchent les coeurs.
Comme souvent chez cette auteure, les messages convoyés comme les pensées et sentiments des personnages ne sont pas dits ni exprimés, mais ils sont montrés dans des gestes ou par des actions, ce qui confère une vivacité et une profondeur très particulières à ce texte que je vous conseille, vous demande, vous enjoins de lire.

à la Une

Dhamija, Vish – Le magnat

Titre original : The Mogul
Traduction : Anne Durand

Prem Bedi joue au golf à Séoul quand on lui annonce l’assassinat de son ex-femme et de son mari. Le magnat rentre aussitôt à Mumbai à la grande surprise de son ami et adjoint, car cette femme l’a trompé et manipulé tandis que son amant journaliste le calomniait et s’acharnait à le salir.
A son tour, le beau-frère de Rea va se déchaîner contre Prem qu’il accuse du double meurtre et veut faire tomber en s’acoquinant au patron des enquêteurs, un homme vil, corrompu et vicieux.
Les policiers disposent de deux preuves inculpant Prem, mais elles sont si flagrantes que l’idée d’une machination s’impose, aussi le magnat propose-t-il au jeune Rohan, un avocat débutant, de le défendre. Il le choisit plutôt qu’un ponte du barreau tant il est sûr de son innocence et confiant en la justice de son pays.

Le procès est le point culminant de ce thriller, Il oppose Rohan qui travaille d’arrache-pied à sculpter ses arguments et à consulter la jurisprudence, à un procureur expérimenté, un homme sans scrupules et sans manières pour qui ce procès est la chance de conclure en beauté une carrière médiocre.
Durant toute la durée du procès, Prem reste calme et digne, C’est un homme racé, généreux, toujours loyal et probe, mais le doute subsiste néanmoins sur son innocence, doute entretenu avec finesse par l’auteur. Face au magnat, le beau-frère de Rea suscite l’antipathie avec sa véhémence et sa cupidité, mais est-ce une raison pour assassiner la seule famille qu’il lui restait ? Et si ce n’est l’un d’eux, qui donc serait-ce ?
Passionnant et ingénieux, ce thriller judiciaire plein de pièges, de trompe-l’oeil, de laideurs et de grandeur, laisse parfois passer l’étincelle d’une autre vérité

Merci à Mera éditions et à NetGalley pour cette lecture.

à la Une

Abel, Barbara – Comme si de rien n’était

En allant rechercher son fils Lucas après son cours de solfège, Adèle Moreau tombe sur son professeur, Hugues Lionel, qui la reconnaît et l’appelle Marie, au grand étonnement de la jeune mère.
Peu après l’enseignant apprend que son père, dont il est proche, est atteint d’Alzheimer. Préoccupé par cette nouvelle et ruminant l’échec de sa vie, Hugues se jette avec avidité sur le souvenir de cette nuit alcoolisée avec Marie il y a 9 ans et s’interroge sur la famille Moreau jusqu’à l’obsession.
Adèle est mariée à Bertrand mais leur relation est bancale, il est sujet à de longues semaines de froideur où, démunie et en grande détresse, la jeune épouse cherche en vain quelque chaleur vitale.
Quant à Lucas, cet enfant solitaire a intégré et fait siennes les failles de ses parents.

Les personnages de ce roman possèdent quasi tous l’art de faire les mauvais choix, se laissant systématiquement guider par leurs pulsions et leurs émotions plutôt que par la raison ou la vertu.
Pourquoi Adèle, architecte d’intérieur au goût très sûr devient-elle une petite chose frémissante chez elle ?
Pourquoi Bertrand, amoureux fou de sa femme, devient-il une pierre dure dès qu’il a l’impression qu’on lui dissimule quelque chose ?
Et pourquoi Hugues plonge-t-il dans une telle obsession jusqu’à dépasser toutes les limites ?
Pour connaître les réponses à ces questions, lisez ce thriller psychologique où chacun des personnages est travaillé par son passé douloureux mais qui, à mes yeux, manque de cohérence et de crédibilité quand il s’emploie à conclure.

Merci à Vanessa et les éditions Recamier, merci à Babelio pour cette lecture.

à la Une

De Montaigne, Tania – Sensibilités

Parce qu’il s’est senti agressé dans sa foi par les propos d’un auteur, un homme lui a donné 18 coups de couteau. Il a dit-il agi en état de de légitime défense.
Choquée une jeune collaboratrice des éditions Feel Good décide d’établir une charte propre à ménagerait toutes les sensibilités en excluant les mots potentiellement offensants, gênants ou ressentis comme irrespectueux par certaines susceptibilités.
Ainsi Feel Good n’admet aucun mot sexué ou propre à une religion, il exige un test ADN assurant la légitimité des auteurs, seuls autorisés alors à parler de leur communauté.
Et pendant qu’une police du langage sévit chez Feel Good et que les réseaux sociaux relaient cette traque aux mots, des milliers de femmes, d’homosexuels, d’enfants sont torturés et assassinés partout dans le monde sans que cela n’intéresse personne.

Supprimer tout ce qui dérange dans l’idée que la moindre différence de point de vue est une agression à laquelle seule une agression plus violente encore doit répondre, suppose que l’échange verbal et l’argumentation ne sont plus une option concevable, les seules options pensables sont la vitupération et la violence.
Et donc la seule façon d’obtenir une société pacifiée est d’effacer les rides sociales tout comme il faut effacer les rides sur les peaux vieillissantes.
Si cette histoire va au bout de l’aplatissement du langage, jusqu’au ridicule, elle finit par lasser à force de ne traiter que de cela, sans étendre ni creuser son sujet, ce qui en ferait un essai, mais sans davantage y injecter un sang vital ou un travail d’écriture, si bien qu’elle peine à être un roman.
Le seul mérite de ce livre est qu’il incite à souligner et à débattre de cette censure exponentielle en Occident.

à la Une

Denjean, Céline – Matrices

Pris dans une pluie diluvienne un conducteur percute une jeune femme enceinte qui décède peu après dans les bras d’un médecin surgi tout à propos. Avant de mourir elle prononce les mots « Save the others ». L’autopsie de la jeune nigériane révèle un marquage au fer rouge et l’ enfant qu’elle porte n’a aucun gène commun avec elle.
La major Louise Caumont et son adjointe et amie Violaine Menou, la première dissimulant de profondes blessures sous un masque de froideur , la seconde plus intuitive et spontanée, vont se lancer à corps perdu dans cette enquête. Progressivement se dessine l’existence d’un vaste réseau mafieux qui se procure le ventre des femmes aux fins de fournir des nouveaux-nés sur mesure à de riches familles françaises.
La mort de la jeune nigériane dont l’enfant devait absolument être livré à temps, va obliger le livreur à capturer une jeune française enceinte, ce qui ne sera pas sans conséquences.

Remonter une telle filière dans laquelle trempent des familles ultra riches , en passant par tout une filière d’ordures qui se font une fortune sur ces jeunes femmes qui n’ont de valeur que marchande sinon rien, est une entreprise de longue haleine bien éprouvante pour Louise et son équipe.
Différentes voix alternent dans ce roman, celles d’hommes sans scrupules, avides d’argent et de pouvoir, qui se donnent des allures honorables mais n’ont qu’eux-mêmes et leur satisfaction égoïste comme point de mire.
Celle d’une jeune femme nigériane vendue par les siens, séquestrée elle ne sait où avec d’autres jeunes femmes enceintes, terrorisée à l’idée du viol et du vol de l’(son) enfant à sa naissance. Elle relate son périple jusqu’en France.
Vient ensuite le récit bouleversant d’une jeune femme qui fut vendue comme prostituée, donnée en location à l’industrie du porno pour y subir d’innombrables humiliations et violences filmées et qui assista à des scènes d’une horreur sans nom
Et vient enfin grâce à la bienveillance et la délicatesse de Violaine, la parole de Louise, déchirante, qui nous donne à comprendre sa réserve et à compatir à ses souffrances.
Un thriller magistral et passionnant dans lequel Céline Denjean dénonce avec lucidité et sensibilité, l exploitation sans limites des femmes

à la Une

Robert-Diard, Pascale – La petite menteuse

Lisa Charvet, tout juste majeure, débarque dans le bureau de l’avocate Alice Keridreux et lui demande de la représenter lors du procès en appel de son violeur. Lisa estime qu’une femme la comprendra mieux que cet avocat qui la défendue contre Marco Lange, l’homme qu’elle a accusé de viol alors qu’elle avait 15 ans.
Bien sûr de tels procès attisent les esprits, les masculinistes et autres incels dénoncent la sacralisation de la parole des femmes, et les féministes crient qu’elles ne supportent plus ceux qui font fi de leur parole ou la moquent.
Alice, la narratrice de cette histoire, relit l’ancien dossier et s’étonne de voir la condamnation de Lange ne reposer que sur la seule parole de Lisa et sur des témoignages du type « il regardait bizarrement », « c’était un marginal ». A ses yeux cela ne justifiait pas l’incarcération de Lange.

Comme le dit le titre, Lisa a menti et se dit prête lors de ce second procès à raconter ce qui l’a, trois ans plus tôt, incitée à se dire victime d’un viol, et cela au risque de se voir psychologiquement lapidée par le public, l’avocat de Lange et la juge outrée par ce mensonge responsable du long internement de l’innocent Lange.
Lisa va tenter, maladroitement mais sincèrement, d’expliquer que cette dénonciation a été une porte de secours, un appel à l’écoute de sa détresse, la sortie d’un engrenage de rumeurs, d’incitations, d’attentes ainsi qu’une forme d’explication à sa dépression.
Comment juger quand on se trouve face à deux victimes ? Certes elles ne sont pas sur un pied d’égalité, mais toutes deux sont en droit d’attendre un jugement équitable à l’aune du passé comme à celui de l’avenir.
On aurait aimé assister à la plaidoirie de l’avocate et au verdict final mais non, tant pis pour nous.
Un roman précieux en ce qu’il dénonce ces jugements hâtifs fondés sur les préjugés, les apparences, les intérêts d’une cause personnelle et la méconnaissance de la complexité humaine.

à la Une

Leduc, Frank – Duel


La commandante Talia Sorel est négociatrice et travaille avec le Raid, une brigade d’intervention toujours prête à donner l’assaut.
Deux cars scolaires se sont volatilisés avec 66 enfants à bord. Une semaine passe sans nouvelles. Enfin un appel survient, le kidnappeur exige de parler à Talia et non au négociateur de l’équipe du commissaire Shepherd chargée de retrouver les enfants,
Le ministre et Shepherd sont mécontents de ce choix et se méfient de Talia.
2 ans plus tôt, au Maroc, Gétald Mansour, doté d’un pouvoir de persuasion étonnant, est licencié. Pour maintenir son aisance, il profite de la mort de son père survenue à point nommé pour échanger leurs noms, touchant ainsi la pension paternelle ainsi que sa fortune.

On s’en doute le duel va opposer le kidnappeur, un manipulateur séducteur qui jouit de parvenir à tromper ses semblables, un homme sans scrupules qui pour atteindre son but, devenir riche et puissant, est prêt à tout, même à sacrifier les enfants. Face à lui se dresse Talia, une négociatrice d’une extrême finesse, courageuse et droite, dont le but est d’arracher tous les enfants aux griffes de leur prédateur.
Tour au long de ce roman palpitant s’engage un combat dans lequel le kidnappeur s’amuse à disposer des fausses pistes et des leurres, à mettre en oeuvre un dispositif diabolique pour que la pression sur le public soit telle qu’il parvienne à ses fins.
De son côté Talia s’ingénie à les déjouer les pièges de son opposant et à pénétrer les rouages de cet esprit machiavélique. Si la responsabilité qui pèse sur elle est gigantesque, elle l’assume sans faillir.
La vie des enfants mérite certes tous les sacrifices, mais pour autant faut-il ignorer toutes ces victimes que certains osent traiter de collatérales, c’est-à-dire privées de noms, dont la mort est un désastre ?
L’écriture de Frank Leduc est belle, travaillée et tellement juste.

Merci aux éditions Belfond ainsi qu’à NetGalley pour cette lecture.

à la Une

Charine, Marlène – La protégée


Le commandant Theven travaille au bureau de protection des repentis. Pour protéger une femme qui a témoigné contre son mari, le tueur en série Luca, dit le vampire, un beau ténébreux riche et pervers, Theven déclare son décès, la fait renaître sous le nom de Madeleine et l’amène à l’institut fermé Les Trois Nuages accueillant des enfants troublés mentalement ou socialement. Elle va leur enseigner l’art de planter, un rappel douloureux de son enfance paysanne.
Peu après son arrivée, Madeleine rencontre d’inquiétantes personnes : Abel un enfant autiste qui n’avait jamais parlé, lui annonce la mort prochaine d’un jeune handicapé, Ariane une nouvelle recrue, ne cesse de la suivre et de la fixer, et le directeur de l’institut, ami de Theven, qu’elle a vu descendre dans la cave avec le jeune qui s’est noyé peu après.
Effrayée, Madeleine supplie Theven de la sortir de cet institut. Cette femme froide et indifférente est-elle bouleversée ou le manipule-t-elle ?

L’ambiance de ce roman est toute d’inquiétude et de mystère , à commencer par Madeleine elle-même, cette femme splendide toujours éperdue de désir pour Luca dont la perversité lui manque tout en jouissant d’en être libérée. Cette femme sans remords et sans coeur qui, par éclairs, est touchée par ces enfants.. D’ailleurs chacun des membres de cet institut semble au moins chargé d’un passé douloureux mal assumé, et au plus étrangement dangereux et menaçant. L’air même des Trois Nuages est poisseux, et puis il y a cette mort, suivie d’autres morts. Qui dont en est responsable si tant est que quelqu’un en soit responsable, s’il ne s’agit pas simplement d’accidents et de suicide ?
Et nous-mêmes sommes obligés de vivre cette ambiguïté, compatissant aux souffrances de Madeleine tout en méprisant ses perversions détestables, craignant pour elle et avec elle ces forces obscures et ces nuages noirs qui la poursuivent tout en n’oubliant pas ses facultés de manipulation diaboliques qui font que c’est parfois elle que nous craignons.
Avec sa belle écriture, plus élaborée de livre en livre, Marlène Charine nous offre un roman sur l’ambivalence et l’incertitude, seuls remparts contre les désastres de la vision univoque trompeuse et destructrice.

Merci à l’opération Masse Critique de Babelio ainsi qu’aux éditions Calmann Levy pour cette lecture.


à la Une

Cameron, Peter – Ce qui arrive la nuit

Titre original : What Happens at Night
Traduction : Catherine Richard-Mas


L’homme et la femme ont quitté New York pour un contrée de l’extrême Nord. Ils viennent y chercher le petit orphelin qu’ils ont tant espéré. La femme est atteinte d’un cancer avancé et douloureux qui la rend parfois irritable. Si elle désire tant ce bébé c’est par crainte qu’une fois morte, l’homme ne s’effondre s’il n’a pas la responsabilité d’un petit être.
L’homme tente bien de s’occuper de sa femme mais il le fait à contretemps et de manière insistante, ce qui la fatigue.
Le couple loge dans un hôtel majestueux et quasi vide dont le bar est toujours ouvert. C’est là que l’homme passe ses soirées. Il y rencontre la très excentrique Livia Pinheiro-Rima, ex-chanteuse, danseuse et autres talents, une femme pleine de coeur et de drôlerie qui met une touche de vie dans cet hôtel silencieux, ainsi qu’un businessman qui le drague.
Livia entraîne la femme à rencontrer un guérisseur car son coeur est ainsi fait qu’elle veut le bien de tous.

Dans un paysage onirique, un monde isolé où le sentiment de solitude se réverbère dans chaque glacier, quelques silhouettes se détachent d’un fond en noir et blanc, l’homme et la femme que la mort déjà sépare, Livia la femme qui incarne l’amour, le businessman qui incarne la faiblesse de l’homme et l’enfançon en qui repose la promesse.
C’est avant tout un roman dont l’atmosphère de vide permet d’interroger l’essentiel.
Chacun des personnages est ainsi mis face à sa solitude profonde et à sa douleur existentielle, cette double condition humaine que l’on peut fuir, transcender, accepter ou ne pas vouloir voir.
Chacun se voit également dans l’obligation de choisir le sens qu’il donne à sa vie et à sa mort.
Transcender la condition humaine comme les femmes en donnent ici l’exemple, c’est tendre la main, aimer, s’entraider et aussi par delà sa propre mort, donner un futur à l’autre

à la Une

Blake Matthew – Anna O

Traduction : Laure Porché


Depuis que, 4 ans plus tôt, Anna O a tué ses deux amis en état de somnambulisme, elle dort. Ben Prince, spécialiste des crimes commis durant le sommeil, travaille à l’Abbaye une clinique du sommeil où Anna O est transférée sur ordre du ministère de la justice qui exige que Ben réveille la suspecte afin que son procès puisse avoir lieu.
Le carnet intime d’Anna nous apprend que, journaliste, elle s’intéressait au cas d’une femme qui 20 ans plus tôt poignardait ses beaux-enfants en état de somnambulisme. Cette personne fut internée en psychiatrie chez la Dr Bloom, directrice actuelle de l’Abbaye, et mourut peu après, laissant derrière elle un enfant.
Suite au double meurtre commis par Anna, sa mère a dû démissionner de son poste de ministre. Elle se sent responsable de ce qui est advenu, Anna ayant déjà eu des crises de somnambulisme qu’elle a étouffées pour préserver sa carrière.
Puis un soir la Dr Bloom est tuée chez elle.

Ce qui au départ semble une intrigue simple : Anna va-t-elle se réveiller ou non ? A-t-elle tué en état de somnambulisme simulé ou réel ? Se complexifie graduellement pour devenir un bel écheveau, ce dernier progressant ensuite vers une fin presqu’indémêlable.
J’espérais une réflexion poussée sur la responsabilité de la personne qui commettrait un crime en état de somnambulisme, j’attendais que le procès d’une Anna réveillée ait lieu, mais non, finalement ce n’est pas là le propos du livre, ce qui est tout aussi bien pour autant que la scénario reçoive les réponses aux questions qu’il soulève et pour autant que ma crédulité ne soit pas trop mise à l’épreuve. Ce qui fut le cas.
Si je n’ai pas regretté ma lecture, elle ne m’a pas enthousiasmée non plus, mais tentez-le, voyez si votre esprit est contorsionniste (le mien est sujet à de l’arthrose).

Je remercie les éditions Buchet Chastel ainsi que NetGalley pour cette lecture.

à la Une

Slater, Alice – Mort d’une libraire

Titre original : Death of a Bookseller
Traduction : Nathalie Peronny


Dans une librairie. Roach, une jeune femme renfrognée vaguement gothique, est fascinée par les tueurs en série, mais également par sa collègue Laura, ouverte et joyeuse, dont les poèmes pleurent les femmes victimes de ces mêmes tueurs, sa propre mère ayant péri par l’un d’eux.
Plus Roach tente de se rapprocher de Laura, plus cette dernière éprouve de la répugnance envers sa collègue mais loin d’en être découragée, Roaoch la suit un soir pour connaître son adresse et grimpe sur un arbre bien placé pour l’observer boire, très abondamment, avec son collègue Eli.
Quand le lendemain Laura voit les traces de pas au pied de l’arbre, elle panique et avertit la police. Par la suite, elle voit dans sa maison des traces de bave de limaces qui lui font horreur.
Par hasard, Roach apprend le drame qu’a vécu Laura et veut en savoir plus, sans empathie ni pudeur, mais avec une avidité écoeurante qui lui fera dépasser toutes les limites

Ce roman donne la vois alternativement à l’une et l’autre des deux protagonistes.
L’intrigue est relativement pauvre, sa seule action réside dans l’ingérence croissante de Roach (blatte en anglais) dans la vie et la peau de Laura et dans le dégoût progressif de Laura envers ce personnage qui lui semble aussi gluant que les limaces glissant sur le sol de son appartement.
Laura se livre à des excès d’alcool car elle ne parvient pas à dépasser la perte brutale et traumatisante de sa mère.
On se sait pourquoi Roach éprouve d’emblée un tel attrait pour Laura, mais cette attirance se change en vampirisme quand elle découvre le meurtre de sa mère. Elle ne respecte rien ni personne et n’attire donc aucune sympathie.
C’est long et on attend que cette situation se dénoue enfin.

Merci aux éditions La croisée et à Babelio pour cette lecture.

à la Une

Denzil, Sarah – Le visage de l’innocence

Titre original : My perfect daughter
Traduction : Ingrid Lombart


Zoé fait son jogging quand elle voit une petite fille tremblant de froid, elle la porte dans la ferme où la petite Maddie indique vivre avec son père. A leur arrivée, ce dernier se saisit de Zoé, l’attache, la menotte et lui plante un clou dans la main. Plus tard, Maddie s’introduit auprès de Zoé et tente de la libérer. Enfin libre, la jeune femme tue son bourreau qui se révèle être un tueur en série et se sauve avec l’enfant.
Zoé veut adopter Maddie car elles se sont profondément attachées l’une à l’autre durant leurs épreuves. Pour faciliter l’adoption, Zoé publie un livre sur son calvaire, grâce à quoi elle peut prouver son aisance financière.
Aujourd’hui Maddie a 16 ans et Zoé a épousé Justin avec lequel elle a un fils. C’est alors que plusieurs jeunes filles fréquentant le lycée de l’adolescente disparaissent ou meurent. Et bien sûr les voisins et parents accusent la fille du tueur en série, d’autant plus que Maddie est d’une nature distante et peu émotive.

Le suspense est subtilement amené et se développe comme un brouillard envahissant petit à petit Zoé de doutes. A-t-elle eu tort de publier son histoire puisqu’à présent les gens désignent la fille du tueur en série comme la criminelle ? Pourquoi son mari, toujours si calme et apaisant, devient-il stressé et accuse-il lui aussi Maddie ?
Zoé endure ces doutes tout en sachant que quoi qu’il arrive, elle défendra sa fille
Maddie, quant à elle, reste imperturbable et ne s’inquiète pas. Sa force et son intelligence sont des atouts sur lesquels elle fonde une assurance qui effraie ou rassure, selon qu’on l’accuse ou la croie innocente.,
L’enquête se poursuit et peu à peu le voile de brouillard qui entourait Zoé se dissipe, révélant un tout autre paysage, fait de vérités terribles et de doutes résiduels auxquels seul un choix peut mettre fin.
Un roman touchant et captivant que j’ai beaucoup aimé.

à la Une

Dean, Will – La première soeur

Titre original : First Born
Traduction : Laurent Bury


Katie et Molly sont jumelles. Absolument semblables physiquement elles sont opposées de caractère, Katie est sociable et aventurière, Molly est solitaire et craintive jusqu’à l’obsession. Quand Katie décide de partir étudier à New York, Molly se sent trahie et poursuit sa vie étriquée à Londres. Un jour, Molly reçoit un appel de ses parents partis voir leur fille à New York, En pleurs, ils lui apprennent le décès de Katie, assassinée selon la police. Molly va devoir prendre l’avion ce qui la terrorise.
A son arrivée, elle soutient ses parents en détresse totale, surtout qu’en plus son père, endetté jusqu’au cou, doit céder sa petite entreprise.
Molly veut aider la police dans son enquête, afin d’apporter une forme de paix à ses parents. Malgré sa nature renfermée, elle va rencontrer ceux qui ont connu et fréquenté Katie, espérant ainsi remonter la piste du criminel.
A partir de ce moment-là le roman change radicalement de cap.

Ce roman commence par dérouler avec une grande finesse les angoisses de Molly, ses précautions contre tous les risques possibles et imaginables, sa difficulté à exprimer ses sentiments et le dur combat qu’elle livre contre elle-même pour rejoindre sa famille au loin, dans une première partie psychologique très subtile. Vient ensuite une deuxième partie où l’ on vire à 180° pour entrer dans un thriller pur et dur, avec meurtre, magouilles, chantages et courses-poursuites.
J’ai été assez désarçonnée par cette seconde partie mouvementée, je la trouvais même quelque peu invraisemblable mais j’ai persévéré et bien m’en a pris car j’ai assisté avec plaisir à une belle pirouette finale qui explique tout, enfin presque tout parce qu’il y a quand même un reste peu crédible parce qu’excessif.
Un roman qui pointe également quelques aspects de la gémellité : ce langage intime connu d’elles seules, les pensées et goûts communs, la relation fusionnelle mais aussi le poids de la double responsabilité, l’entrave de l’interdépendance, le miroir qui n’en est pas un.

Merci aux éditions Belfond noir et à NetGalley pour cette lecture

à la Une

Utroi, Wendall – La loi des hommes


En déblayant des tombes, Jacques déterre une boîte en métal contenant un manuscrit rédigé en anglais. Intrigué, il ramène ce butin chez lui à la grande indignation de sa femme. Il confie alors les feuilles à sa fille et lui demande de les lui traduire à l’insu de sa mère.
1885. Wallace est inspecteur à Scotland Yard quand un inquiétant émissaire de la cour lui enjoint d’étouffer un scandale touchant au prince royal. Trois personnes pourraient être au courant et ébruiter la chose, deux femmes maquerelles et le fils adoptif de l’une d’elles. Aussitôt Wallace les fait emprisonner comme l’époque l’y autorisait.
Lors des interrogatoire l’inspecteur s’étonne du courage mais aussi de la dureté de ces maquerelles dont la survie et la vie ne furent qu’âpres luttes contre la misère. Mais aucun lien avec le prince ne se profile.
Quand un membre de l’équipe dirigée par Wallace torture le jeune prisonnier, Wallace, furieux, provoque le bourreau en duel, il perd le combat et s’enfuit, cachant les trois prisonniers à l’aide de ses fidèles adjoints.

L’auteur nous plonge dans une époque où la pauvreté ne rencontre que mépris. Nulle empathie, nulle aide ne sont accordées à ceux qui meurent de faim puisque la misère est associée à la dépravation, la salissure de l’âme et ne mérite donc aucun égard. Une conception étrangement proche des hindouistes pour qui les plus démunis, les intouchables, le sont du fait de leur inconduite et leurs crimes antérieurs.
En ce temps-là, comme de nos jours d’ailleurs, les dirigeants et les hauts placés de la justice ne sont guidés que par leurs intérêts et le lustrage de leur réputation, ils s’unissent pour masquer leurs crimes et s’arrangent pour que toute personne apte à les dénoncer soit réduite au silence, jetée en prison ou expulsée dans un autre pays.
Wallace est la figure centrale de ce roman magnifiquement écrit. Il incarne la loyauté, une droiture qui le force à changer son regard sur la pauvreté, passant d’accusateur à compatissant. Une loyauté envers ses principes qu’il place au dessus de ses intérêts et des ordres de ses supérieurs, prêt à en assumer les conséquences avec courage, avec douleur.
Un très beau livre et une belle surprise.

à la Une

Sinno, Neige – Triste tigre

Depuis l’âge de 7, 8 ans jusqu’à ses 12 ans, Neige a été violée par son beau-père. Aujourd’hui adulte et mère d’une petite fille, elle se met en livre, non tant pour se délivrer d’un passé toujours prégnant, mais pour attirer l’attention sur ces détails subtils qui trahissent le violeur et que l’entourage efface plus vite qu’il ne les capte. Er pour tenter de dire ce que vit, ressent et éprouve une enfant au sein de l’horreur sexuelle dans laquelle il est englouti, à laquelle il n’est nulle résistance possible.
Des scènes de viols, les gestes ignobles de l’homme sont décrits de façon directe et crue, seule manière de saisir, un peu, ce que l’enfant vit lors de cette intrusion, de cette explosion du plus intime en lui, seule manière de mettre fin aux contorsions des médias qui censurent cette horreur.
Si Neige Sinno expose parfois les faits bruts, elle s’en excuse, tente d’écourter ses description. Une attitude admirable de tact et de dignité.
Pour se distancer de son vécu insupportable, pour éclaircir ces ténèbres aussi, l’auteure s’est intéressée à l’inceste en général, ainsi analyse-t-elle avec une rare subtilité le «Lolita» de Nabokov et cite-t-elle les paroles de quelques victimes connues.
Neige a enduré ces viols quasi quotidiennement, elle a au bout du compte compris que la domination sexuelle du beau-père se sourcait dans le désir de la posséder pour la détruire.
L’écriture de l’auteure est extrêmement travaillée, il y a dans ce témoignage une recherche du mot, de l’expression la plus apte à nommer l’innommable et à évoquer ce que le langage est inapte à traduire.
L’inceste, nous dit l’auteure, est un ravage dont elle ne sortira jamais mais dont elle sort néanmoins une oeuvre et ce témoignage.

à la Une

Martin Alvarez, Ibon – La valse de tulipes

Traduction : Claude Bleton


Conduisant sa locomotive dans le paysage champêtre du pays basque, l’homme voit soudain sa femme Natalia assise sur une chaise au milieu des rails, une tulipe à la main. Affolé, il freine à fond tandis que la terreur envahit le visage de sa femme. Incapable d’arrêter la machine à temps, il la percute tandis que, fixé sur un poteau un portable filme l’atroce scène.
Ane Cestero est chargée de l’enquête, elle vient d’une bourgade voisine puisque le commissaire du lieu a eu une aventure avec la morte et se voit donc exclu, bien malgré lui, de cette enquête.
D’autres meurtres suivent, signés d’ une tulipe qui, étonnamment, ne se vend nulle part dans la région et surtout pas à cette saison.
La recherche d’un point commun entre ces femmes conduit la police vers un couvent ainsi que vers Lourdes.

Voici donc une intrique bien menée et une critique d’une certaine société que l’on souhaiterait éteinte à tout jamais, mais en plus ce thriller met en scène deux policières impétueuses, courageuses et extrêmement sympathiques .
Ane Cestero a vécu tout au long de sa jeunesse dans la violence mentale de son père avec sa mère qui excusait toujours l’inexcusable. Aussi se met-elle dans des colères noires contre les hommes maltraitant leurs femmes, colères qui lui valent les remontrances de ses chefs.
Julia, quant à elle, a terriblement souffert de l’abandon brutal de son compagnon flic, aussi le voit-elle revenir avec un mélange de défiance et d’attrait.
Bien que l’équipe soit lente à saisir certaines évidences et que la raison de ces crimes, esquissée par petites touches, soit tirée par les cheveux, j’ai trouvé cette première enquête prenante avec ses personnages contrastés et sa dénonciation des cruautés perpétrées dans certains couvents.

à la Une

Collette, Sandrine – Des nœuds d’acier

Max a pris la femme de son frère Théo. Furieux ce dernier le tabasse au point de le réduire à l’état végétatif. Sorti de prison et bien qu’interdit d’approcher son frère, Théo vient le narguer mais surpris par une infirmière il s’enfuit, récupère sa voiture et file jusqu’à un petit hôtel tenu par madame Mignon. L’hôtesse lui indique des chemins de randonnées, l’un d’eux mène à une ferme délabrée où un vieux l’invite à se désaltérer.
Sur place Théo reçoit un coup sur la tête et s’évanouit pour se retrouver enchaîné dans une cave sombre. Un autre homme, Luc, y est prostré, enchaîné également, pétri de douleurs et d’épuisement, réduit en esclavage depuis 8 années. Théo ne peut y croire mais après quelques jours aux fers, il est mis au travail, il doit couper le bois, planter des légumes, creuser des tranchées, être cheval de labour, le tout sous la surveillance armée d’un des deux frères, sans espoir de s’évader, dans un enfer sur terre.

Avec Théo on est amené à souffrir au quotidien la violence qu’était et qu’est encore la vie d’un esclave. Considéré comme moins qu’un animal, ravagé de coups, privé de soins et travaillant de l’aube au crépuscule avec les pieds enchaînés avant d’être reconduit dans la cave pour y dormir sur une planche froide, poignet cadenassé. Une condition atroce en ce qu’elle est privée du moindre geste de compassion et du moindre grain d’empathie.
Sandrine Collette a une écriture sublime et un talent de conteuse qui n’a nul besoin du recours aux rebondissements et aux agitations pour nous maintenir suspendus à ses lèvres ou plutôt à sa plume.
Il y a toujours dans l’écriture et les thématiques de l’auteure un souffle, une âme, une puissance d’évocation, quelque chose qui touche à l’ancestral, à cette Nature d’une beauté sidérante et d’une férocité impitoyable et terrifiante.

à la Une

Escobar, Pascal – Belle de mai


Stanislas Carrera, anciennement éducateur de rue auprès du juge de la jeunesse, est devenu détective privé quand une jeune femme comorienne lui demande de retrouver son frère Fuad de 17 ans qui a fugué.
Cette recherche amène Stan à traverser la ville au gré des informations qu’il glane auprès des amis de Fuad et des services sociaux. Ainsi ce quartier délabré nommé Belle de mai régi par le Libanais, un redoutable trafiquant de drogue auquel le jeune fugueur a volé de l’argent, ce qui le met en danger de mort. A Belle de mai, on n’entre pas sans annonce et sans les codes qu’heureusement son cousin Fruits-Légumes qui a ses entrées partout, connaît à fond.
Stan est déterminé à trouver le jeune Fuad pour l’arracher aux dangers qui le guettent et pour connaître les raisons qui l’ont fait fuir de chez lui. Et cela au détriment de sa vie privée.

Marseille, centre et héroïne de cette aventure, se déploie ainsi dans sa diversité tant architecturale qu’humaine.
La belle écriture de l’auteur nous guide depuis les maisons ouvrières près du port jusqu’aux villas cossues pour revenir aux lieux de la misère et de la débrouille, dans ces cités crasseuses où l’on se heurte au langage agressif et au repli méfiant des diverses communautés qui s’y côtoient.
Carrera, ce fonceur prudent, cet homme passionné, ce mari et père coupable de négliger celles qui ont besoin de lui, ressent un grand vide en lui qu’il comble avec la nourriture, le travail acharné et l’alcool.
Car en effet cette Marseille est celle des hommes, elle n’est faite que pour eux. Violente, dangereuse, sale, elle relègue ses femmes au fond des cuisines quand elle ne les force pas à devenir objets de consommation. Telle est la plus grande pauvreté de cette ville.

Merci aux éditions « le mot et le reste » pour cette lecture.

à la Une

Young, Heather – Ceux d’ici ne savent pas

Titre original : The distant dead
Traduction : Carla Lavaste


Idaho. Depuis la mort de sa mère Sal Prentiss, 11 ans, est hébergé par deux oncles marginaux qui vivent dans une caravane délabrée. Un matin en partant au collège, Sal découvre le cadavre calciné de son professeur de mathématiques, Adam Merkel, dont il était le favori.
Nora enseigne l’histoire des origines dans ce même collège. Comme elle avait pris en amitié cet homme solitaire au regard si triste, elle va rechercher, parallèlement à la police, la raison d’une telle mort.
En fouillant le passé d’Adam Merkel, elle apprend qu’il fut renvoyé de l’université où il était pourtant reconnu dans son domaine. Pourquoi ? Elle se heurte au silence buté des anciens collègues d’Adam, un silence qui habite et pèse également sur le petit Sal.
Tous sont touchés, de près ou de loin, par les ravages dus à l’alcool, les drogues, et certains antalgiques dangereux.

Sal et Nora prennent alternativement la parole dans ce thriller psychologique.
Le thème principal de ce roman tourne autour des souffrances causées par les drogues sur l’entourage. Ainsi par exemple Nora a-t-elle sacrifié une carrière de rêve pour rester auprès de son père handicapé suite à un accident sous alcool.
Comment un homme peut-il s’arranger avec sa culpabilité quand il a porté atteinte à ses proches à cause de son addiction ?
il y a l’homme intègre qui, tel le père de Nora, accepte sa faute et sa responsabilité et tente d’y faire face humblement.
Il y a le lâche qui se défile et se protège en occultant les désastres qu’il a causé ou en déléguant sa responsabilité au fournisseur ou au produit qui l’a pris en otage.
Il y a enfin celui qui se pose en victime, ne ressent aucune culpabilité et n’aura de cesse de se venger du lâche qui, en le dénonçant comme fournisseur, lui aura nui.
Un thriller psychologique émouvant et douloureux dans lequel les souffrances silencieuses rongent les hommes avant que l’espoir ne renaisse par la grâce de la femme et de l’enfant.

à la Une

Renand, Antoine – L’empathie 2


Enfant, Serflex aimait assister à la détresse et la frayeurs des femmes. Adulte, il leur envoie des lettres, les avertissant qu’un jour, demain ou dans 10 ans, il les violera. Il les observe ensuite et jouit de leur peur, de leur défiance. Et un jour en effet, déguisé, méconnaissable, il pénètre chez elles et les viole longuement.
Margot vient d’intégrer la brigade du viol, actuellement sur l’affaire d’un homme qui, au sortir des discothèques, injecte du GBH à ses proies pour s’en emparer sans qu’elles n’en gardent de souvenirs.
Un jour Serflex téléphone à la police et exige de parler à Anthony Rauch, un ancien policier dégommé pour avoir violé une jeune fille dans sa jeunesse. Suite à cet appel, Anthony met un point d’honneur à démasquer ce Serflex, manière pour lui de réparer son erreur de jeunesse . Il se lance dans cette quête en indépendant et sollicite l’aide de Margot.

J’aime énormément quand l’auteur nous explique la jeunesse et la genèse d’un criminel à travers les différentes étapes qui construisent sa personnalité et les choix qu’il effectue. Et cela vaut aussi pour Margot, cette belle personne qui souffre d’un mal dont elle ignore l’origine.
Ce livre frappe aussi par la richesse émotionnelle de ses personnages  centraux : Anthony fonceur et pétri de culpabilité, Margot intrépide, consciente de se mettre souvent en danger, travaille à en découvrir la source. Serflex enfin ce psychopathe rusé et machiavélique, pourtant capable d’éprouver une ébauche d’amour.
Il y a une véritable concurrence entre la police avec ses régulations et sa lourdeur et les indépendants, Anthony et Margot renvoyée pour avoir assisté son comparse, foncent tous deux et risquent tout pour pincer le monstre mais aussi pour faire reconnaître leur valeur aux yeux d’une police qu’ils rêvent de réintégrer.
Il faut noter que Serflex reste de bout en bout le maître du jeu, car cette concurrence dont je viens de parler est son œuvre (accessoirement l’oeuvre d’Antoine Renand)
C’est un thriller qui m’a retenue prisonnière tout au long de ses pages grâce à son écriture et à son intrigue redoutable.

à la Une

Rouchon-Borie , Dimitri – Le chien des étoiles


Gio, le gitan rescapé d’une guerre de clans, ne survit désormais qu’en rejoignant les étoiles et en veillant sur les deux jeunes adolescents avec lesquels il s’est enfui loin de cette guerre sans fin entre les clans.
Il y a Dolores la trop belle gamine. Elle sait que pour survivre elle devra donner son corps, le craint et s’en désespère. Le seul qu’elle aime est Gio son protecteur, cet ange innocent du sexe.
Et il y a Papillon le gamin muet qui pleure de n’avoir pas de mère. Il sait que pour survivre il doit tuer et ne le fait qu’en cas de pure nécessité
Le train dans lequel tous trois s’introduisent les emporte vers le lieu où les gitans se rassemblent pour vénérer la Vierge noire.
Mais cet havre de paix sera le lieu de la plus cruelle trahison.

Comme dans son premier roman, l’auteur met en scène la rencontre entre l’innocente et la perversité. Si cette dernière l’emporte dans les faits, la première marque nos âmes et transfigure les faits. C’est elle qui donne souffle et vie à ce roman.
Dimitri Rouchon-Borie parle la langue de l’innocence, cette alliance de la poésie et de la pureté native et donc naïve.
Ces phrases me donnent envie de pleurer parce qu’elles me ramènent à cette langue originelle du coeur, celle de l’enfant qui ressent tout avant que le langage n’émousse son insondable sensibilité.
Gio s’envole, tel un ange vers les étoiles, et son amour pour ses protégés s’apparente à l’amour christique en ceci qu’il les rend chaque jour à leur limpidité germinale, quoiqu’il leur advienne « Et je vais vous laver, chaque jour, pour sécher les larmes, et que plus personne ne gâche jamais cette beauté que vous êtes. Je sais pas comment on fait ça et la Vierge Noire va aider je suis sûr, mais dès aujourd’hui, vous êtes beaux et vous êtes purs pour toujours. »

à la Une

Grangé, Jean-Christophe – La terre des morts

Sophie, une jeune danseuse de la très érotique boîte Squonk, est retrouvée morte, liée par bondage et défigurée. Le commandant Corso, chargé de l’affaire, apprend que la jeune femme se livrait à des pratiques extrêmes.
Un second crime, similaire au premier, a lieu et ce sera l’équipe de Corso, et non lui-même, préoccupé par son divorce, qui réalisera les premières percées, notamment en dégottant un sombre peintre du nom de Sobieski, grand amateur de ces dames, adepte du bondage et de multiples jeux pervers.
Or Sobieski avait déjà fait 17 ans de prison pour plusieurs viols avérés, ce qui ramène soudain Corso en selle. Persuadé de la culpabilité du peintre, il décide de le prouver par tous les moyens.
A-t-il raison ou se trompe-t-il ?

Si ce livre possède d’indéniables qualités, écriture convaincante et belle, talent de conteur évident, histoire fort originale et qui documentée, nous en apprend beaucoup sur le milieu du strip-tease et du bondage, il reste que les défauts l’ont emporté sur les qualités.
D’abord aucun des personnages n’est attachant, pas même vaguement sympathique. Ni Corso violent à l’extrême, borné, agissant à l’instinct sans réfléchir et grossier, il prend et ne donne jamais rien . On se demande comment il a pu passer chef d’unité et comment son adjointe autrement plus intelligente et efficace que lui, ainsi que sa cheffe, acceptent de couvrir ses bêtises et ses crimes. Dont il n’a nul remords.
Ni l’équipe de Corso, ni Sobieski bien évidemment, ni les victimes, tous tant qu’ils sont, n’inspirent que révolte et répulsion.
Ensuite la dernière partie du livre est tant tirée par les cheveux qu’elle nous laisse chauves, le retournement final est un salto qui fait un gros plof et j’ai l’impression d’avoir été appâtée pour tomber sur un os

à la Une

Pianelli, Marco – L’ombre dans la nuit


Un soir de déluge Myriam la cinquantaine rentre d’une garde comme infirmière lorsqu’elle voit un auto-stoppeur à l’endroit même où, 5 ans plus tôt, son fils rentrait d’unes sa recherche obstinée de son fils.
Paco possède une capacité d’observation et de déduction exceptionnelles en même temps qu’une trempe d’acier. En consultant le dossier concernant le fils, il remarque des manquements et des pièces à conviction disparues. Seul un lieutenant intègre acceptera de reprendre l’enquête avec lui.
Un jour, Paco est agressé par 4 malabars qu’il vainc aisément. Il apprend qu’ils ont été commandité pour le massacrer et entreprend de remonter cette filière afin de comprendre pourquoi tant de mystères pour un fils disparu.

J’ai énormément aimé l’écriture de l’auteur, elle est belle dénuée de tous les clichés habituels, grâce à quoi Marco Pianelli nous dépeint des paysages et des personnages avec une inventivité et une richesse frappantes.
Malheureusement cette intrigue égrène les combats de Paco, héros incontesté, contre les couches successives de cette filière vaguement mafieuse, jusqu’à l’affrontement final avec le chef des chefs. C’est ainsi que les bagarres et les massacres se suivent, envahissent l’histoire et suscitent la lassitude ou l’écoeurement.
Bien souvent je me suis demandé ce que ce pauvre adolescent pouvait bien avoir à faire avec cette clique de mafieux.
La fin ne m’a pas éblouie, loin de là, en suite de quoi notre Paco s’en va tel un Lucky Luke de western s’éloignant vers l’horizon, sa mission accomplie

à la Une

Michelis, Denis – Amour fou


Rosalie est morte après une chute au pied des falaises, tout comme Clarisse, une autre jeune femme, 4 ans plus tôt, dans les mêmes circonstances troublantes.
Interrogée par la police, Célia, une ancienne amie de la noyée, raconte que Rosalie se plaignait d’une voisine trop curieuse mais jamais de son mari violent. Sûre de la culpabilité du mari, Célia insiste sur cette violence, sans dire que la voisine avait vu un homme rôder autour de chez Rosalie.
Après 4 ans en hôpital psychiatrique, Barnabé rentre chez lui. Accueilli comme un roi, couvé et choyé par sa mère, il est rejetté par son père psychiatre honteux de ce fils psychotique. Mais sitôt rentré Batnabé arrête ses médicaments pour retrouver son délire érotomane si jouissif, délire qui se fixe sur une jeune femme du coin qu’il part épier le soir.
Thomas est un policier municipal timoré, renfermé et dépressif. Convaincu que Barnabé est l’assassin, il veut le prouver afin d’ être enfin reconnu comme un policier exceptionnel.

Dans ce roman on va passer d’une tête à l’autre, d’une pensée à l’autre et donc d’un langage à l’autre, ce qui donne à ce livre une âme et une compréhension profonde des personnages et de ce qui sous-tend leurs actions et leurs réactions. Vivre dans les délires de Barnabé ou les empêchements de Thomas à faire confiance à l’autre, nous ouvre sur des paysages psychologiques aussi riches qu’ignorés.
L’auteur rompt de temps en temps son récit très prenant avec les répliques savoureuses que s’échangent Barnabé et sa mère-poule.
Dans cette enquête sur la mort de Rosalie, Barnabé semble être le suspect idéal offert sur un plateau d’argent, alors forcément on se prend à douter, mais qui d’autre ce pourrait-il bien être ? Thomas qui profiterait des errances de Barnabé pour semer des indices l’accusant et retirer la gloire de l’avoir pris sur le fait ? Célia qui hait trop violemment le mari de Rosalie pour ne pas l’aimer en sourdine et vouloir éliminer l’amie encombrante ?
La réponse est effarante et la finale assez étonnante, à la limite de l’absurde.

Merci à NetGalley ainsi qu’aux éditions Noir sur Blanc pour cette lecture.

à la Une

Lanzetta, Antonio – L’homme sans sommeil

Traduction : Anna Durand


Milieu du XX ème siècle, Bruno 13 ans, un orphelin sans défense, est le souffre-douleur des garçons, des religieuses sans coeur et du père directeur, un sadique qui prend plaisir à torturer les petits .
Vient alors le petit Nino courageux et rebelle, couvert de cicatrices de brûlures. Lui seul prend la défense de Bruno.
Arrive l’été. Les orphelins doivent travailler dans des fermes ou des ateliers. Bruno et Nino sont emmenés dans une grande propriété où Bruno, sujet à d’affreux cauchemars, parcourt les couloirs de nuit et y rencontre une fillette terrorisée par un homme au vaste chapeau.
Des cadavres au coeur arraché, des statues avec un oiseau sculpté en main, un voisin effrayant et un étrange maître des lieux concourrent à une ambiance d’effroi et d’incompréhension que Bruno seul ressent et lui font craindre de devenir fou.

L’atmosphère dans lequel nous plongeons tout au long de cette lecture est mystérieuse, effrayante, ombrée d’une inquiétante étrangeté et chargée de détresse.
Bruno, l’enfant qui n’a jamais connu une once d’amour mais seulement la moquerie, l’humiliation, la torture et les méchancetés qui brisent l’être, cet adolescent démuni de tout, acculé et terrorisé, va-t-il développer la haine violente, se refugier dans la folie ou ne plus communiquer qu’avec des êtres inexistants ? Ce roman hors normes m’a dérangée, bouleversée et profondément émue en ce que l’auteur analyse avec compassion et effroi les effets sur l’humain d’une souffrance reçue à la naissance et qui se prolonge la vie durant.

Merci à NetGalley ainsi qu’aux éditions Mera pour cette lecture.

à la Une

Farris, Peter – Le diable en personne

La petite Maya a été vendue vers l’âge de 12 ans à Mexico un marchand du sexe. Depuis lors elle est violée par toutes sortes d’hommes pour ne recevoir en retour que coups et drogues. Mexico achète ou séduit les jeunes filles et en fait des esclaves , des marchandises qui lui rapportent gros.
Un jour sans savoir pourquoi Maya est ligotée, bâillonnée et transportée dans le coffre d’une voiture par deux hommes de main de Mexico jusqu’au fond d’une forêt pour, entend-elle, y être abattue, mais au dernier moment elle parvient à s’enfuir et tombe sur la ferme d’un vieil homme, qui abat les deux compères avec sa vieille carabine.
Furieux, Mexico envoie d’autres tueurs exécuter Maya car elle en sait trop sur ses trafics à lui et à certains de ses clients passés sur elle, mais Léonard le sauvage a pris la petite sous son aile et ne compte pas leur faciliter la tâche.

Après une enfance sans traces, la petite Maya ne connaît que violences, douleurs et maltraitances : violée à répétition, marquée au fer rouge par un client sadique mais haut placé. Maya est cependant très intelligente, elle a compris les méfaits et travers tant de son acheteur que de ses clients ayant une réputation à vernir, aussi Mexico décide-t-il de l’éliminer. La perspective de sa mort amorcera le premier geste de rébellion de la jeune femme.
Léonard déjà âgé est moqué par les villageois parce qu’il vit et se déplace avec un mannequin portant le nom de sa femme, Marjean, qu’il habille et à qui il s’adresse comme il le faisait du temps qu’elle vivait auprès de lui. Habitué à sa sa solitude sauvage, il accueille néanmoins Maya comme l’enfant qu’il n’a pas eu.
Ainsi naît entre celle qui ne fut jamais aimée et celui que nul n’aime plus une tendresse pudique et un souci de l’autre qui ne leur évitera pas de s’affronter aux forces du mal mais leur procurera une double raison de les contrecarrer.

à la Une

Japp, Andréa H. – Barbarie 2.0


Yann Lemadec, un analyste et psychologue à la Sûreté, est envoyé par sa hiérarchie enquêter discrètement sur le meurtre d’un juriste, frère d’un ministre. Son rôle est de vérifier si ce crime a été commis par une éminente neurologue, furieuse contre ce juge qui a écourté la peine des tortionnaires et assassins de son fils.
Mais notre enquêteur flaire un piège dans cette mission bien trop facile, et en effet, on l’envoie ensuite sonder la vie de cette étrange neurologue et de son entourage.
A Paris, Artemis souffre d’une myopathie rare. Elle entretient une correspondance avec Apollo un jeune grabataire. Tous deux étudient les statistiques de la criminalité, ils s’affligent de la jeunesse des violeurs, de la progression du sadisme, de la barbarie en marche.
Au cours de son enquête Yann va découvrir une clinique occulte ainsi qu’une clique de riches scientifiques ourdissant de sombres desseins. Bien que menacé, Yann poursuit sa recherche de la vérité

La question centrale de ce thriller est : pourquoi y a-t-il une telle explosion de violences ? A quoi est-elle due ? Pourquoi atteint-elle des enfants de plus en plus jeunes et gagne-t-elle en barbarie ?
L’auteure tente des réponses qui conduisent à une critique solide, fondée et lucide de nos sociétés dotée d’un pouvoir cynique.
Ce roman nous expose trois manières de faire face à cette barbarie :
*Laisser ce chaos croître et déborder. Profiter alors de la peur pour s’enrichir et prendre le pouvoir.
*Préparer ceux qui s’estiment être les seuls dignes représentants de l’espèce humaine à détruire la population excédentaire de notre planète, la surpopulation étant une source de barbarie.
*Lutter contre la barbarie en pratiquant l’entraide, la solidarité et la compassion.
Sérieusement documenté et passionnant, ce thriller se démarque par ses dialogues d’une intelligence rare et par sa très belle écriture.
Il y a bien quelques défauts de cohérence et quelques flous artistiques dans ce thriller, mais ils m’ont pas dérangée outre mesure.

à la Une

Bennett, Michael – Dette de sang

Titre original : Better the blood
Traduction : Antoine Chainas.


A Auckland en Nouvelle-Zélande, Hana, une enquêtrice maorie, assiste au procès d’un violeur qu’elle a arrêté. Suite au témoignage de la jeune femme violée, également maorie, le violeur est reconnu coupable mais comme il réussit brillamment ses études de droit et qu’il est blanc, il est libéré. Hana sort, indignée, mais le violeur la suit, la nargue et se casse exprès le nez devant elle pour l’accuser ensuite de violence policière.
A côté de cela, Hana reçoit des vidéos de lieux où elle se rend avec son fidèle adjoint Stan et où différents crimes ont été commis, toujours avec la même arme perforant le front des victimes. En outre elle remarque chaque fois la présence d’une ou des spirales à proximité du meurtre. Pourquoi donc ces vidéos lui sont-elles adressées personnellement ?

Vingt ans plus tôt, alors qu’elle débutait dans la police, Hana fut mise aux premières loges pour expulser les maoris de leur montagne sacrée. Bien que déchirée, Hana a dû obéir, ce qui lui a laissé une marque au fer rouge dans le coeur.
Or l’enquête entretient un lien, non essentiel mais présent avec ce moment qu’Hana ressent toujours comme une blessure à vif.
La détresse et l’isolement de cette enquêtrice qui se tient pourtant debout, assumant son acte, endossant le mépris de sa fille après qu’elle a appris cet épisode, acceptant le blâme qui ensuivit la plainte du violeur, supportant ainsi en silence l’injustice même que subit son peuple, est poignante et proprement admirable.
L’auteur se saisit de cette enquête dans le but de dénoncer les crimes contre le peuple maori, ainsi que la complexité psychologique et sociale de cette communauté que les sauvages blancs ont bafouée et bafouent encore
Un roman superbe !

à la Une

Delareux, Vincent – Les pyromanes


Françoise est née d’on ne sait quel amant de Thérèse, sa mère qui ne veut pas d’enfant mais nous sommes dans les années 50 au coeur d’un village normand où avorter est une abomination. Thérèse enferme son enfant haïe dans une pièce noire et ne cesse de la battre. Seule mémé, la grand-mère de Françoise lui apporte de l’amour et quelques joies trop brèves
Le mari de Thérèse est un fieffé ivrogne qui ne tardera pas à abuser de la petite. Pour seul bagage, Françoise ne reçoit que la religion de sa mémé et son culte pour sainte Thérèse qu’elle prie ardemment, et cette histoire que lui conte sa mère, celle des jumeaux hétérozygotes incestueux qui se sont pendus dans le château abandonné non loin de là.
A 13 ans l’enfant rencontre son cousin et en tombe passionnément amoureuse.

Une enfant détestée, violentée, abusée au vu et au su de tout un village qui aime mépriser et jaser sur cette famille mais ne lèvera jamais un doigt pour aider la petite, l’empathie étant la dernière de ses qualités. Une enfant baignée en sus dans une religion teintée de superstition et ces contes effrayants narrés par sa mère, peut-elle éviter la folie ou se construire autrement qu’avec une conception du monde et des hommes complètement erronée ?
Mais où sont donc les pyromanes ? Ce sont les foudres de Thérèse contre sa fille et le désir du père calcinant son âme. De quoi allumer chez Françoise les feux de la haine avant qu’elle ne brûle d’amour pour son cousin. Et nous sommes ballottés entre les feux de l’enfer et des flambées d’espoir, sans que nous n’en sortions apaisés.
Les personnages sont tout d’une pièce sauf Françoise, seule figure nuancée, complexe et riche d’un monde qu’elle s’est construit, un monde où le bonheur est rendu impossible car incendié à sa source.

à la Une

Huart, Justine – Ce qu’il reste de nous


Julie Timmers, une docteur reconnue dans son village, est devenue avec la disparition de son mari, la folle qui pue.
En effet depuis 5 ans, elle le cherche assidûment, obsessionnellement, épluchant tous les journaux dans l’espoir d’un signe, avec une sorte d’urgence maladive qui l’empêche de sortir, de manger, de se laver, de fréquenter quiconque. Seule une assistante sociale Sandrine, vient chaque mardi s’enquérir d’elle malgré le rejet de Julie.
La police quant à elle a décrété que Daniel, l’époux de Julie, s’est enfui avec son chien et une maîtresse, ce en quoi Julie ne croit pas une seconde tant l’amour qui les unissait était puissant.
Puis, un jour, le chien du disparu réapparaît. Sandrine offre à Julie son aide dans ses recherches, elle revient avec son jeune fiancé flic, et tous trois reprennent alors l’enquête à zéro.

Tout au long de ce récit, nous sommes dans la pensée de Julie, dans se obsession et sa répulsion à tout ce qui lui fait obstacle, dans ses cauchemars d’ensevelissement terrifiants, dans son espoir à la vue du chien de Daniel revenu dans les parages.
Si Julie affiche un caractère plus que désagréable, l’amitié dévouée de Sandrine va percer cette carapace née d’un deuil impossible. Désormais accompagnée dans ses démarches, Julie va avoir accès aux dossiers plutôt bâclés de la police et aura le courage de démêler ses cauchemars avec l’aide de Sandrine.
Cette enquête à double facette conduira-t-elle Julie vers l’apaisement ou la folie ? Vers la vérité ou le mensonge ?
Malgré quelques facilités et faiblesses propres à un premier roman, je me suis laissée captiver et émouvoir par la tragédie de cette femme déchirée en quête d’une vérité qui lui fut volée.
Un roman psychologiquement très riche et une auteure à suivre

..

à la Une

Joye, Pascale – La gravité des étoiles


Constante aborde ses vingt ans lorsqu’elle rencontre le célèbre et séduisant écrivain Richard qui a le double de son âge et lui fait une cour digne d’un conte de fées. Viennent ensuite les noces et la prise de possession de l’homme sur celle qui est enfin devenue son objet de consommation et de domination.
C’est en alternant les blessures et les caresses que Richard parvient à maintenir Constance sous sa férule. Suite à un viol conjugal particulièrement odieux, elle accouche d’une petite fille à l’image de son père, qui refuse l’allaitement et les douceurs de sa mère.
Sans cesse rabaissée, ostensiblement trompée, régulièrement frappée et violée, Constance est sur le point de renoncer lorsqu’un second enfant vient habiter son corps et son coeur.
Non loin de là, bien plus tard, la jeune Rosalie subit les violences de Tony, un minable plein d’amertume et de rage.

Femmes étoiles que leurs maris éteignent, femmes délicates et aimant des hommes confondant mainmise et amour, jeunes filles en fleurs dont les princes cachent des âmes noires, dignes épouses d’êtres vils , elles restent fidèles et tentent encore de maintenir cette flamme d’amour qui jadis brûlait leur coeur, d’excuser la perfidie, la vilenie et la brusquerie de celui qui mime encore, quand il sent les liens se desserrer, les gestes qui émeuvent.
Quand elles décident de mettre fin à ce rêve d’amour devenu mensonge, quand elles veulent partir, elles s’affrontent à l’homme que rien, absolument rien n’arrêtera pour se garder celle qui lui appartient et qu’il préférera détruire plutôt que de laisser être.
Bouleversant, ce récit pudique et nuancé désamorce la honte des femmes violentées, cette honte induite par une société qui ne comprend rien à l’infini pouvoir des rêves, à l’amour et la bonté inépuisables des femmes et à la peur paralysante de celles que le désespoir a usées.
Un livre qui rend aux femmes violentées leur dignité, écrit avec une rare sensibilité et une beauté d’écriture à la mesure de ces femmes.

à la Une

Pulixi, Piergiorgio – L’illusion du mal

Traduction : Anatole Pons-Remaux


Un procès pour actes répétés de pédophilie se conclut par la libération de l’accusé parce que les crimes sont prescris. C’est de cette injustice que s’empare un homme pour kidnapper ce pédophile, lui arracher toutes ses dents et dans une vidéo diffusée publiquement, demander à la population de voter pour la peine de mort ou la libération du prisonnier.
Les deux amies, Mara, entreprenante et solide, et Eva, plus sensible et peu soucieuse de risquer sa vie, sont chargées d’enquêter sur ce justicier auto-proclamé qui veut déstabiliser le système judiciaire en faisant croire à la foule qu’elle vote librement, alors que, sous le coup d’une haine induite, elle n’est plus qu’une meute s’arrachant le corps d’un homme blessé.
Mara et Eva sont aidées par un psycho-criminologue, Victor Strega, un homme intègre, délicat et fort attachant, mais que certains haïssent.
Le faux justicier réitère ses procès publics et c’est un magistrat véreux qu’il va cette fois-ci soumettre à la vindicte populaire.

C’est bien évidemment une interrogation sur la justice ou plutôt sur son impossibilité dont il est question dans ce livre. Tous les garde-fous en vue de rendre les tribunaux équitables ne pourront empêcher les erreurs et la faillibilité des hommes. Cette justice claudiquante et se sachant perfectible ne vaut-elle pas mieux que le tribunal de la vindicte populaire soumise aux émotions contagieuses et irréfléchies ou encore qu’un tribunal-mascarade comme dans les dictatures ?
Nous sommes sans cesse en route vers un idéal mais croire l’avoir atteint est la pire des situations souhaitables.
Ce roman se distingue par ses personnages à la psychologie esquissée dont j’attends le développement au cours d’une suite, par une intrigue originale que j’ai suivie passionnément, et par une thématique qui fait réfléchir, cet ingrédient essentiel à tout bon thriller.


à la Une

Elgar, Emily – Quelques battements de coeur

Titre original : Grace is Gone
Traduction : Marie Kempf


Dans un village des Cornouailles, tous les habitants admirent Megan qui se dévoue totalement à sa fille Grace, atteinte de dystrophie musculaire, d’épilepsie et de problèmes cardiaques et pulmonaires.
Grace a 17 ans, elle attend la visite de sa voisine et amie Cara trop occupée à vivre sa jeunesse pour lui donner encore du temps.
Megan a rejeté son mari, Simon, après que parti à la mer avec leur jeune fils il l’a laissé s’y noyer. Depuis elle lui refuse toute visite à Grace, malgré ses suppliques. Seul Jon, un journaliste, a osé publier un article en faveur de Simon et s’est vu viré puisque tous, police comprise, considèrent Simon comme dangereux.
Un matin tout le quartier est aux abois : Megan a été retrouvée assassinée avec une extrême violence et Grace a disparu. 


Tout commence véritablement après ce crime odieux et la disparition de Grace qui mourra, faute de soins, si elle n’est pas retrouvée rapidement.
Jon et Cara se sentent tous deux coupables d’avoir manqué à leur devoir envers Grace, aussi vont-ils s’investir à fond pour la retrouver et collaborer dans ce but.
Petit à petit une vérité s’esquisse, une révélation époustouflante, effrayante, monstrueuse que je n’ai jamais vu abordée de telle façon dans un thriller.
Ce thriller pose une question morale qui va diviser ceux qui, comme Jon, donnent la primauté au juridique et à l’universel et ceux qui, comme Cara, penchent pour le versant circonstanciel et individuel. Leur opposition brisera leur amitié.
Je ne peux hélas en dire plus sans dénaturer votre lecture mais l’intrigue est exceptionnelle et traitée avec un doigté et une intelligence rares.
A lire donc, en gras et souligné trois fois.

à la Une

Hiltunen, Pekka – Ecran noir

Traduction : Taina Tervoren

D’abord ce sont des vidéos d’un noir étrange et inquiétant qui s’immiscent dans des comptes piratés. Puis ce sont des scènes silencieuses où ne s’entend que le bruit des bottes frappant longuement un corps à terre. Ainsi naît et se diffuse le Mal, ralliant tous ceux que cette violence séduit.
De quoi alerter la police, ainsi que ce Studio clandestin géré par Mina, une femme magnifique qui voue sa vie et sa fortune à combattre le Mal. Elle s’est choisi une équipe de personnes remarquables parmi lesquelles son amie Lia, la narratrice de ce roman qui travaille dans un journal de qualité. On y croise également un geek, une. actrice, un ancien policier et cet homme qui sait tout faire, et surtout écouter, encourager et consoler.
En inspectant méticuleusement les vidéos, le Studio découvre que les personnes tuées à coups de bottes ont été saisies à la sortie de boîtes fréquentées par les gays.
Mina et son équipe vont s’engager avec coeur et intelligence dans cette enquête, bien plus efficacement que la police d’ailleurs, mais ils auront aussi beaucoup à y perdre.

N’avons-nous pas, à cause d’internet peut-être, franchi une étape plus avancée encore dans le Mal quand celui-ci ne se nourrit plus à l’auge d’une quelconque idéologie fictive, mais peut s’exposer sans un mot, dans toute son horreur, et séduire, fasciner des milliers, voire davantage de gens ?
Si le Mal se nourrit toujours de l’escalade, s’il aspire à plus de stupidité, plus d’abjection, plus d’infamie, Pekka Hiltunen va plus loin encore, jusqu’au dépassement même du Mal, dans ce Mal absolu où les mots humain et inhumain n’ont plus de sens, où il n’y a plus de mots mais seulement ce cri infini qui est ma seule représentation de l’Enfer.
Le seul bémol de ce thriller puissant, c’est cette histoire autour de Freddy Mercury qui m’a bassinée et qui, à mon sens, déforce le propos du livre.

à la Une

Barnett, S.K. – Retrouve-moi si tu peux

Titre original : Safe
Traduction : Nathalie Guillaume


12 ans, c’est le temps qui s’est déroulé entre la disparition de la petite Jenny Kristal, 6 ans, partie jouer chez sa copine deux maisons plus loin, et sa réapparition en tant que jeune femme. Tandis que les parents émus et heureux aux larmes, s’émerveillent et que les journalistes s’amassent devant la maison des Kristal, Ben, le frère de Jenny, se méfie, il ne croit pas que cette jeune femme soit sa sœur.
Jenny tente, auprès de ses parents, de retrouver les souvenirs de son enfance et recherche sur internet le déroulé de l’enquête qui a suivi sa disparition.
Au fil de ses fouilles, Jenny décèle quelques incohérences dans les témoignages des voisins de la disparue et puis viennent ces messages alarmants d’un mystérieux ami internet sans compter cette femme qui rôde autour de la maison des Kristal.

Ben a-t-il raison de penser que Jenny n’est-elle pas soeur ? Jenny doit-elle croire les messages de cet ami virtuel qui la presse de s’enfuir de chez les Kristal ?
Qui dit vrai et qui ment ou plutôt quelle est la part de vérité et celle de mensonge dans ce que chacun des protagonistes raconte ?
Nous voilà précipités dans un maelström de secrets, de mensonges, de violences, de traumatismes, avoués ou cachés, enquêtant avec et aux côtés de la petite fille abusée et torturée devenue cette jeune femme qui, à force de chercher l’amour et la protection, se trouve en finale au coeur d’un imbroglio dont elle aura grand mal à se tirer sans dommages.
Un thriller de qualité que j’ai lu avec un plaisir et un intérêt immenses.

à la Une

Léa Morenn – Le refuge de Nell

Une lecture que je dois à Cindy que je remercie chaleureusement

Anna vit le bonheur auprès de Sam et de son adorable petite Ginnie qui demain fêtera ses 5 ans. Mais alors qu’elle part faire quelques courses avec sa fille, une tempête d’une violence rare se déchaîne, des oiseaux s’effondrent par milliers sur le sol, des ombres néfastes surgissent et subitement tout s’apaise, tout est silence et solitude.
Mère et fille se sentent menacées et se cachent des rares personnes ou des ombres dont elles perçoivent l’arrivée. Elles viendront cependant au secours d’une jeune femme, Nelie, échouée en pleine rue. A trois elle poursuivent leur déroute.
Quand Ginnie disparaît un soir tandis que les deux femmes, épuisées, se sont endormies, Anna aura tous les courages pour la retrouver, secondée par Nelie, sa nouvelle amie.

Longtemps je me suis demandé si j’étais dans un rêve cauchemardesque, une nouvelle réalité incompréhensible et sombre ou une hallucination.
L’auteure, dans un style qui s’efface pour mieux nous envoûter, parvient à créer une puissante atmosphère d’étrangeté et d’angoisse, parfois même de terreur, où le seul lien avec la réalité connue est cet amour d’une mère pour sa fille, une mère prête à franchir tous les cauchemars et tous les dangers pour sauver son amour.
Mais comment peut-on savoir quand nous sommes dans l’illusion et quand nous sommes dans la réalité si les deux mondes développent une continuité dans le temps, si tous deux ont leur cohérence et leur logique, si tous deux détiennent une part de mystère et une part de normalité ?
S’agit-il d’un choix ?



à la Une

Loseus, Chris – Bill dangereuse innocence


Bill Wendall, un homme simple et frustre, a entendu Mickael Perry, un politique présidentiable accusé de viol sur deux jeunes adolescents, déclarer qu’il se ferait défendre par Steve Halligan, l’avocat des pourris. Bill reconnaît en eux les gamins qui le persécutaient et l’humiliaient quand il était petit. Ces souvenirs ravivent sa rage car ils ont détruit son enfance et sa vie déjà mal partie avec sa laideur, sa naïveté confondante et la pauvreté de sa mère.
Will se rend au domaine de Steve, massacre sa femme enceinte et son jeune garçon puis attend l’avocat. Quand enfin ce dernier rentre, étonné du silence chez lui, Bill se retient de rire tel un gamin qui a préparé une bonne blague.
Deux journées passent, les collègues de Steve et Mickael s’énervent de ne pouvoir le joindre et s’amènent chez lui pour s’assurer que l’avocat acceptera de défendre l’éventuel futur président. C’est cela seul qui leur importe et les fait bouger.
Mais une surprise de taille les attend.

Ce thriller m’a fait manger mon volant de lecture parce que Bill réagit de façon totalement imprévisible, il n’est jamais là où l’on s’y attend, semble d’une naïveté confondante quand il est réfléchi ou vice versa. Mais les autres sont malins, rusés et pervers, toutes choses qui échappent complètement au gros Bill. Tout violent qu’il soit, je n’ai pu m’empêcher de craindre davantage pour ce dernier que pour ses détestables persécuteurs que l’aisance a profondément perverti.
L’écriture adopte le rythme des émotions. Pétaradante, elle suggère la violence, le halètement, la peur. Pareille au roulis des vagues elle suggère la sérénité dans de rares, très rares moments déjà empreints d’une malfaisance annoncée.
On va de surprises en surprises dans ce formidable thriller qui a été écrit en 2016-2017, cette période où la grande, la mythique Amérique s’est craché dessus.

à la Une

Salon de l’Iris Noir à Bruxelles

R.J. Ellory
« Do you REALLY speak english?? »



Antoine Renand

« Vais-je oser lui dire que ce n’est
pas poli de montrer avec le doigt?



Johanna Gustawsson


« allez raconte-moi tes problèmes, petite »

Guy Marchand

« Alors là tu prends
la troisième à
droite, puis tu tournes
à gauche »


Sophie Loubière
« Quelle comique
c’te vieille Hedwige ! »

Olivia Gerig
« Tu as compris
ou je dois tout
reprendre à zéro? »






Agathe Portail


Clarence Pitz
Ne rêvons pas
ce sourire
est
pour mon voisin.



Anouk Shuttenberg
Ceci me
serait-il dédié?






J’espère que cette courte visite vous aura plu 😘

à la Une

Saussey, Jacques – Ce qu’il faut de haine


Atteint d’un Alzheimer avancé, un père confie un secret redoutable à son enfant et lui insuffle ainsi une haine féroce.
Dans le Morvan, Alice Pernelle court dans les bois avec son chien quand elle découvre un corps de femme écartelé et ravagé. Elle prend des photos et veut enquêter sur cette femme qui l’obsède, malgré l’interdiction de la gendarmerie qui arrive aussitôt.
La femme torturée est vite identifiée, il s’agit de Valérie Freysse, chargée de restructurer des entreprises mal en point, elle s’y montrait dure et impitoyable, précipitant même des employés dans le suicide. Comme elle résidait à Paris, l’enquête est confiée à Marianne Ferrand.
Pourquoi le corps de cette femme a-t-il été déposé dans le Morvan alors que sa propre fille assure qu’elle n’y a jamais mis les pieds?

Marianne Ferrand aura fort à faire avec cet assassin qui ne laisse aucune trace, aucun indice et pourrait bien avoir commis le crime parfait, un crime monstrueux que seule une haine absolue peut avoir engendré, une haine inspirée par un père qui devait être l’objet d’une dévotion totale assez étonnante.
Pourquoi Alice éprouve-t-elle le besoin morbide de photographier ce cadavre torturé, de le regarder fréquemment et de fouiller la vie de cette femme ? L’auteur hélas ne l’explique pas.
Par moments, la parole est donnée à l’assassin afin qu’il nous décrire en détail les atrocités vécues par la victime et la manière dont il a réfléchi son meurtre et effacé tous les indices.
J’aime beaucoup quand l’enquête progresse pas à pas, s’essaye à divers chemins, renonce ou poursuit, emprunte d’autres pistes, échoue ou trouve un autre sentier. L’auteur excelle en ce domaine et à mon sens c’est la partie la plus réussie de ce thriller.
Une enquête prenante sur fond de portraits psychologiques peu aboutis.

Merci à NetGalley et aux éditions Fleuve noir pour cette lecture.

à la Une

Carrisi, Donato – La maison aux lumières

Traduction : Anaïs Bouteille-Bokobza

Pietro Gerber, l’hypnotiseur, reçoit un soir la visite d’une jeune femme qui lui demande d’aider la petite Eva âgée de dix ans, qui lui a été confiée à elle, ainsi qu’à une gouvernante, par une mère absente. La fillette refuse de sortir de chez elle et discourt longuement avec un ami imaginaire auquel elle doit obéir sous peine de coups marqués par ses bleus.
Maja, la jeune femme remet à Pietro un mot écrit par Eva sur lequel il lit « Arimo ». Pietro est effaré car ce mot devait mettre fin à un jeu que le psychologue et ses petits voisins de vacances avaient inventé, jeu au cours duquel le petit Zéno a disparu, 25 ans plus tôt Inquiet et intrigué Pietro hypnotise Eva qui raconte alors, avec la voix de Zéno, ce qu’il a vécu suite à sa disparition.

Alors que dans la maison aux lumières où se reclut Eva nul n’est ce qu’il dit être et que chacun se cache comme dans ce jeu d’enfance auquel le mot Arimo mettait fin, Pietro est irrésistiblement poussé à enquêter sur ce qu’il est véritablement arrivé au petit Zéno.
Mais fallait-il vraiment en passer par la petite Eva, à son détriment et à sa souffrance laissées sans soin pour appâter l’hypnotiseur et l’amener enfin à résoudre l’énigme Zéno qui l’a toujours secrètement poursuivie d’une culpabilité ensommeillée ?
Certes, on peut alors conclure qu’un tel circuit alambiqué est une métaphore des chemins qu’emprunte l’inconscient pour se frayer sa voie vers la conscience et donc vers la résolution d’une latence et d‘une culpabilité résiliente, mais quand même on se sent un peu piégé, frustré comme les petits participants à ce jeu qui ne put se clore faute de l’Arimo que Zéno aurait dû prononcer.
Malin !!


à la Une

Blum, Hila – Comment aimer sa fille

Traduction : Valérie Zénatti


Depuis qu’elle a accouché d’une petite fille, Yoëlla va entamer une relation mère-fille de mutuelle dépendance dans laquelle sa fille Lea est inconsciemment mise en position d’enfant-guérison de ses blessures anciennes. Par ailleurs Yoëlla, dont nous écoutons la voix tout au long de ce récit se rend régulièrement chez son psychiatre
Parce que sa mère s’accroche à elle vitalement, maladivement, Lea ne peut dormir chez une amie sans culpabiliser, malade de laisser sa mère angoissée et triste. Elle est également obligée de tout lui raconter sous peine d’être harcelée par sa mère la suppliant de tout dire.
Certes Lea aime infiniment sa mère et recueille du bonheur dans cette relation fusionnelle, mais peu à peu cet amour l’étouffe et la prive des joies normales à l’adolescente qu’elle devient.
A l’âge de 18 ans, Lea disparaît sans laisser d’adresse mais rassure sa mère sur son état en recourant à des intermédiaires. Cela ne suffit pas à Yoëlla qui ne cesse de rechercher sa fille, la poursuivant, la traquant dans l’espoir de renouer ce lien exclusif.
Ce livre d’une écriture magnifique tout en courbures et en nuances dit aussi, avec des mots d’une beauté et d’une sensibilité rares, la souffrance d’une femme hypersensible et blessée par la vie. Ce récit est sa thérapie mais aussi le ratage de sa thérapie, l’amour dévorant l’Amour.

Merci à Babelio et sa Masse Critique ainsi qu’aux éditions Robert Laffont.

à la Une

Lorenz, Wiebke – Répulsion meurtrière

Traduction : Corinna Gepner 


Souffrir de pensées obsessionnelles, c’est vivre un enfer de chaque instant, tel celui de Marie, enseignante chez les tout petits qui se voit les tuer, les blesser, les frapper à mort, toutes pensées effrayantes terrorisantes, dont elle se culpabilise et qui lui font craindre de passer à l’acte.
Or aujourd’hui Marie est enfermée dans une clinique psychiatrique car elle a tué Patrick, son grand amour, à coups de couteaux, mais elle n’a aucun souvenir de ce crime.
Patrick était un écrivain célèbre dont la jeune sœur, Vera devint vite comme une soeur pour Marie, tandis que leur frère, Félix jaloux du succès de Patrick, s’adressait à elle avec une ironie fascinée.
Avec l’aide d’un psychiatre, Marie va tenter de travailler sur ces pensées afin qu’au moins elles ne soient plus envahissantes.
Mais derrière cette histoire s’en cache une tout autre.

Voici un roman formidable, passionnant, riche, émouvant, extrêmement intelligent et superbement écrit.
La façon dont l’auteure décrit ce calvaire de la pensée obsessionnelle en nous amenant à les vivre et les ressentir avec et auprès de Marie, l’héroïne de ce roman, m’a permis de comprendre en profondeur l’atrocité de vivre sous le joug de cette maladie.
Il y a ainsi tout au long du roman, une tension, une angoisse continue du passage à l’acte qui ne lâchent la jeune femme qu’en de rares occasions, en de courtes et merveilleuses éclaircies.
Mais ce livre ne parle pas que de cette maladie puisque nous sommes dans un thriller psychologique qui, ô surprise, va vous éblouir et vous émerveiller avec sa superbe figure de salto.

à la Une

Fel, Jeremy – Malgré toute ma rage

Au sortir du secondaire, quatre amies s’envolent pour la première fois sans leurs parents vers l’Afrique du Sud.
Après quelques jours, Manon disparaît. Parce qu’elle est blanche, la police se démène alors que les crimes entre noirs, quasi quotidiens, ne l’intéressent que mollement.
Quelques jours plus tard, Manon est retrouvée morte, atrocement mutilée et brûlée vive.
Les parents de Manon sont effondrés. Raphaël, son père éditeur, une ordure perverse et un sanguin, aimait profondément sa fille. Raphaël a une sœur jumelle, Florence, tout aussi perverse que lui mais dotée d’un coeur sec. Florence déteste sa fille Thaïs, aussi la sensible Manon a-t-elle toujours chéri sa cousine comme une sœur de coeur, partageant tout avec elle.

L’auteur nous fait pénétrer au coeur des vices et des perversions les plus abominables car le Mal exige d’aller toujours plus loin dans l’horreur et la débauche. En outre le pervers ne connaît ni la culpabilité ni le remords, il s’assure juste d’une totale impunité légale.
Dans cet univers de pourriture, émerge néanmoins un îlôt de lumière, celle du trio formé par Manon, son frère Arthur et leur mère, Béatrice, trois êtres débordant d’amour, de générosité et amoureux de la beauté.
Ce thriller d’une extraordinaire puissance narrative et d’une grande pénétration psychologique est un formidable état des lieux du Mal dans nos sociétés.
Lisez-le, vraiment !

à la Une

Tuominen, Artuu – La revanche

Traduction : Anne Collin du Terrail.


Une grenade lancée sur une boîte gay sème la mort et la panique. Les inspecteurs Paloviita et Oksman sont aussitôt appelés sur place. Or Oksman, cet inspecteur taiseux et revêche, avait quitté cette boîte peu avant le drame et, pire que tout, s’y était affiché en tant que travesti. Il tremble donc que les recherches n’amènent son équipe, chapeautée par une autorité extérieure, à découvrir qui est ce travesti que les caméras ont capté.
Celui qui se nomme l’Envoyé proclame dans une allocution qu’il entend éliminer les homosexuels et ceux qui contreviennent à la Bible. Il est soutenu par les néo-nazis et autres haineux en mal de défoulement.
Qui est donc cet Envoyé qui ne laisse aucune trace derrière lui et qui, en outre, s’est emparé d’un enfant de 10 ans ?

L’Envoyé avec son discours parsemé de fausses allégations et de ses fantasmes personnels imputés à ceux qu’il veut détruire, rassemble autour de lui des fauteurs de troubles et des criminels en mal de proies.
Paloviita le héros de « Le serment » cède ici le rôle principal à Oksman beaucoup moins antipathique que dans le premier tome. Il suscite plutôt la compassion avec son homosexualité et son travestisme mal considéré dans le milieu policier, et sa phobie de la contamination qui l’empêche de serrer la main ou d’aller au resto avec ses collègues, toutes choses qui l’isolent et lui valent les quolibets de son entourage
Ce sera pourtant lui qui, au péril de sa vie, au péril de sa vie, résoudra cette affaire et dévoilera, derrière son apparence fermée, une belle sensibilité, une grande intelligence et un courage étonnant.



à la Une

Marmet, Pascal – Commandant François Chanel


Deux jeunes s’introduisent dans un luxueux appartement pour le cambrioler. A l’intérieur gît une superbe femme étendue par terre suite à une mauvaise chute. Un des jeunes a pitié d’elle et Albane, ainsi se nomme-t-elle, lui demande d’appeler les secours. Le jeune fuit avec son compère, dérobe une statuette maléfique au passage, et prévient ensuite le SAMU. Quand le commandant Chanel arrive, la dame a été tuée par balles.
Cette Albane de Saint Germain, narcissique et cruelle, était la veuve d’un ancien préfet assassiné 6 mois plus tôt.
L’appartement de la morte est une jungle africaine étouffante et flippante, engorgée de masques effrayants, de statuettes cloutées, d’os divers et d’animaux empaillés.
Quand Chanel se rend chez le vendeur expert de cet art africain, ce dernier est décédé, tué par la même arme à feu.

Ces trois personnes ont-elles péri sous la même main ou trois criminels sont-ils à rechercher ? Et ces crimes ont-ils un rapport avec l’art africain et cette statuette maléfique volée ou non?
Le commandant Chanel est un homme plein de contrastes, ainsi, solitaire et misogyne, il observer ses congénères avec bienveillance et n’hésite pas à recueillir une jeune fille paumée chez lui, dans sa maison délabrée.
Ce qui m’a surtout frappée dans ce roman policier, outre la parfaire construction de son intrigue, c’est l’écriture de Pascal Marmet avec sa prose littéraire recherchée et parsemée de jeux de mots discrets, avec ses dialogues riches, percutants et subtils, parfois solennels si les circonstances s’y prêtent, parfois chantants et poétiques dans les moments d’émotion.
A lire donc !

Merci à l’auteur et à SimPlement pour cette lecture.

à la Une

Draven, Beth – Macabre instinct

Suite à l’appel paniqué de sa petite amie Camille, Alexis se rend dans le village enneigé des Vosges où Camille effectuait un reportage sur une mère ayant tué son nouveau-né.
Parvenu à la pension où résidait Camille, il apprend qu’elle est déjà partie avec un homme.
Malgré l’hostilité de villageois Alexis est déterminé à retrouver son amour, aussi reste-t-il dans la petite pension sans confort et houspille-t-il le brigadier afin qu’il lance des recherches.
L’hôtelière tente de rassurer le jeune homme qu’elle materne, mais il entend d’inquiétantes voix et ressent des ondes négatives dans cette pension.
Parallèlement, dans un lieu secret, un homme capture et torture avec une violence extrême des jeunes femmes dont il fait ses esclaves.

La force de ce roman réside dans son atmosphère oppressante et anxiogène avec ce village isolé sous la neige, ce mystère qui plane sur la petite pension, ces villageois rébarbatifs et ces intermèdes d’une cruauté insupportable qui nous font craindre pour Camille.
En plus, l’ignorance du maire comme du prêtre et les piètres efforts de la gendarmerie, personne n’aide Alexis dans ses recherches, ce qui l’enrage et le désespère.
L’écriture est instable, parfois bonne et parfois bâclée.
La fin est carrément monstrueuse. On peut considérer qu’elle est réussie mais elle ne m’a pas du tout convaincue.

Merci aux éditions Mera ainsi qu’à NetGalley pour cette lecture.



à la Une

Pavone, Chris – Deux nuits à Lisbonne

Titre original : Two Nights in Lisbon
Traduction : Karine Lalechère


Ariel et John sont mariés depuis trois mois et se rendent à Lisbonne pour rencontrer un client de John.
Le lendemain de leur arrivée, John disparaît. Ariel le recherche à l’hôtel, téléphone aux hôpitaux, s’adresse à la police puis à l’ambassade des USA qui, toutes deux, proposent d’attendre.
Elle reçoit enfin un appel, elle doit apporter la somme de 3 millions si elle veut revoir John vivant, mais elle n’a rien et vit chichement dans une ferme délabrée. Néanmoins dans sa jeunesse elle a été la femme d’un homme riche et fréquentait des personnes influentes.
C’est de ce côté-là qu’Ariel attend une aide. Et c’est à partir de là que la police surveille et veille sur elle. C’est à partir de là qu’informés de ces tractations, des envoyés américains s’inquiètent et qu’un journaliste curieux vient fouiner.

Ces deux journées seront une épreuve pour Ariel qui va s’évertuer à rassembler cette somme impossible, épiée et suivie de près par de nombreuses personnes mais finalement fort peu aidée.
En progressant à ses côtés, je suis entrée dans le milieu de cette jet set honteusement riche pour en sortir écoeurée, j’ai été effrayée par la facilité avec laquelle l’information peut être manipulée et falsifiée, et j’ai été révoltée par cette incessante instrumentalisation de la femme par l’homme, et il semble que jamais la liberté de la femme ne parvienne à devenir une conquête, mais qu’elle est et reste un combat de chaque instant où rien n’est acquis et tout est à défendre encore et encore.
C’est un bon polar mais le passé d’Ariel ainsi que les dénonciations évoquées m’ont davantage plu que l’intrigue elle-même. Sauf la fin très réussie, ce qui est toujours un exploit.
Alors oui lisez-le.

à la Une

Katz, Gabriel – Le silence des noyées


Nord de l’Écosse. Comme à chaque Noël, Scott Mc Brennan se rend à Dun Mansion, la demeure familiale où règne son grand-père, le patriarche. Sur la route il prend une auto-stoppeuse qui se laisse conduire au manoir sans rien demander ni rien dire.
Arrivé là, Scott délaisse son invitée et rejoint le clan des Mc Brennan qu’il déteste et raille cruellement in petto. Mais on dirait que la jeune étrangère dérange et remue cette famille car nul ne l’accueille. Seule Carrie, la sœur de Scott, la reçoit et lui fait place, ce qui déplaît fortement au patriarche qui perçoit cette auto-stoppeuse comme une menace.
Parallèlement à cette soirée, quelques décennies plus tôt, on suit le parcours d’une jeune artiste de condition modeste qui rencontre et épouse un Mc Brennan. .

Scott est le digne rejeton d’une caste de méprisants qui, parce que l’argent coule à flots, déconsidère les laborieux. Suite à une accident qui a détruit sa jambe, Scott est devenu amer, méchant et parfaitement détestable à l’instar de ces Mc Brennan fats et ridicules qui n’ont de noblesse que la prétention, pas même capables de recevoir poliment la jeune inconnue, grossiers même parce qu’elle réveille en eux leur culpabilité et leurs frustrations.
Admirablement écrit, grinçant, insupportablement désespérant, ce roman étripe les nantis qui se croient supérieurs alors qu’ils ne sont que des clowns tristes ou méchants.

Merci à NetGalley et aux éditions du Masque pour cette lecture.