Butler, Octavia E. – L’aube

Titre original : Dawn
Traduction : Jessica Shapiro


Sur terre, les hommes ont mené la guerre ultime, celle qui a éteint toute vie. Quelques hommes ont cependant été recueillis par les oankali et endormis le temps pour eux d’assainir la terre.
Lilith sera la première éveillée, la première femme comme dans les écritures. Elle est enfermée dans une pièce dont seule la parole la délivrera, et l’ouvrira à la rencontre de l’autre radicalement autre, effrayant autant qu’intrigant. Les oankali, bipèdes multi-tentaculaires, ont pour but de s’unir génétiquement aux hommes avant de les reconduire sur la terre régénérée.
Lilith est sans doute, parmi les hommes réveillés plus tard, la plus curieuse de l’autre, elle s’attachera même à un jeune ooloi, un ooloi étant celui qui transmet l’amour spirituel et sensoriel entre deux oankali, ou deux êtres humains
Presqu’aussitôt après leur réveil, les hommes forment des clans, se battent, tentent de violer les femmes comme si cette violence était la signature de l’humain

Ce superbe roman suscite d’innombrables questions auxquelles nulle réponse n’est donnée puisqu’il n’y en a pas et que seul le pouvoir autoritaire affirme ou rejette.
Et parmi ces questions, les essentielles : qu’est ce qu’être humain ? la nature humaine est-elle si exceptionnelle qu’il convienne de préserver sa pureté à tout prix? 
Certes les oankali influencent les hommes pour qu’ils aillent dans le sens de leur projet, mais ces contraintes ne sont-elles pas la source même de la vraie liberté ? D’une liberté qui marche vers un but en s’appuyant sur les contraintes et non une liberté qui part en tout sens, guidée par des pulsions souvent destructrices.

Querbalec, Emilie – Les Chants de Nüying 

En 2563 des chants évoquant ceux des baleines sont détectés sur Nüying, une exoplanète située à vingt-quatre années-lumière de la Terre.
Brume, la spécialiste des langages marins rêve d’une fusion d’entente avec cette entité chantante tandis que William, son ami cybernéticien, rêve d’une fusion totale avec Brume.
Le cargo-monde à destination de Nüying abrite des spécialistes Terriens et Sélènes, mais ces derniers subissent une discrimination qui poussera nombre d’entre eux vers la secte de l’Eveil inaugurée par un moine tibétain et dont le but est l’éternité céleste, contrairement au financier chinois du cargo dont le but est l’immortalité terrestre par transfert de sa mémoire numérisée sur un clone.
Des scissions dans l’équipage et des déboires techniques font s’échouer le cargo sur Nüying, cette planète de l’Imprévisible absolu.

J’ai trouvé ce roman d’une richesse, d’une intelligence et d’une sensibilité admirable. Au fil de ses pages, de nombreuses questions surgissent, telles que : Notre être équivaut-il au total de notre mémoire conscience numérisée?
Le thème qui court tel un fil d’or tout au long de ce livre est celui du sens que les personnages donnent à leur voyage, un sens qui ne se réalisera que s’il dépasse la sphère de l’ego, de l’intéressement personnel et ne s’accomplira pas selon notre idée de sa réalisation, mais tout autrement, en s’abandonnant à l’Autre

Chambers, Becky – Apprendre, si par bonheur

Titre original : To be taught, if fortunate
Traduction : Marie Surgers

Voici un texte adressé par Ariadne à la Terre éloignée de 14 années lumière, Terre qui, après avoir envoyé une multitude de nouvelles désastreuses, s’est tue.
Ariadne est l’une des 4 scientifiques partis en expédition vers différentes planètes. Lors de leurs voyages, ils sont régénérés, ce qui avec la vitesse de leur vaisseau, ralentit leur vieillissement.
Ils parviennent d’abord sur Aecor, une planète de glace sous laquelle des organismes inconnus s’illuminent la nuit. Ils visitent ensuite trois autres planètes aux vies et à la nature étonnantes, le plus souvent il sont émerveillés, parfois effrayés, mais toujours infiniment respectueux des êtres qui s’y sont adaptés
Mais ensuite, que faire quand plus aucun message, plus aucune instruction ne provient de la Terre ? Comment agir dans le respect de l’éthique, de la dignité humaines et avec le consentement de tous ?

Ce roman est une splendide et authentique utopique parce que jamais il n’envisage de conquérir ou d’exploiter ce que ces planètes ont à offrir, les scientifiques observent, recueillent des données, se recueillent devant ces étonnants paysages, s’entraident et s’aiment profondément.
Face à ce foisonnement de vies étrangères la difficulté est surtout langagière car notre langue est intrinsèquement liée à la terre, et les comparaisons ont vite atteint leur limite et nous sommes bien pauvres dans nos capacités d’en rendre compte
La fin est bouleversante et admirable

Tahtieazym, Luca – Il était une fois dans le brouillard

11 septembre 2001. A cette date qui signifie un changement de monde, se lève, à La Rochelle, mais également partout dans le monde, un brouillard épais, dépouillant le paysage de perspective et de couleurs.
On suit les mésaventures des habitants d’un immeuble où habite Agathe la misanthrope qui, ce 11 septembre, doit aller chercher ses tout jeunes neveux dont le père vient d’être renversé par une voiture nageant dans le brouillard. Au passage, elle recueille Félix le clochard à la jambe souffrante et Ornicar, le bon chien égaré. Puis, comme le smog semble s’installer, les locataires de l’immeuble rassemblent leurs tempéraments contrastés afin d’organiser leur vie devenue survie dès lors que les hôpitaux sont fermés, les communications coupées et qu’ il faut s’encorder pour aller quérir des ravitaillements, tâtant les murs et craignant les bandes agressives.
Dans cette réalité nouvelle où chacun se voit ramené à sa condition essentielle, chaque protagoniste révélera la vraie couleur de son âme teintée, comme le brouillard, du blanc le plus pur au gris le plus sombre .

Une histoire originale et passionnante malgré quelques longueurs, des personnages dotés d’ une certaine épaisseur, et une écriture étonnante avec son vocabulaire somptueux qui rend hommage à la richesse de la langue française.

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