Harper, Jane – Les oubliés de Marralee

Titre original : Exiles
Traduction : David Fauquemberg
Editions : Merci à Doriane des éditions Calmann Levy pour cette lecture


Lors de l’annuelle fête du vin qui rassemble de nombreux touristes et locaux à Marralee, Kim, mère d’une adolescente et d’une petite Zoé, disparaît. Quand Zoé est découverte abandonnée dans son landau, il est clair qu’un drame est survenu. Toutes les issues de la fête étaient pourtant surveillées, se serait-elle noyée dans cette retenue d’eau que pourtant elle évitait à tous prix?
Mais ni les proches ni le sergent Dwyer pourtant acharné à percer cette énigme n’aboutissent à rien.
Lors de la fête viticole suivante, Zara lance avec beaucoup d’émotion un appel à témoin public. C’est son dernier espoir. De son côté, son oncle demande à Falk, un ami flic, de reconsidérer cette disparition avec son regard extérieur.

Cette quête de vérité d’Aaron Falk avance par petites touches délicates. Point de retournements en chaîne, de courses poursuites et autres rythmes haletants faciles, mais une lente analyse des lieux, des enjeux, de ce qui manque plus que de ce qui apparaît, le patient recueil des confidences et le travail de réflexion, figurent parmi les façons de ce flic sensible et. profondément doux.
Une enquête alliant l’intelligence du coeur et celle de la raison par une auteure dont les romans m’enchantent de plus en plus.

Thilliez, Franck – 1991


Franck Sharlo vient d’intégrer la police criminelle et sans délai, il se voit embauché dans la poursuite d’un criminel particulièrement redoutable : houdinien quand il passe à travers verrous et cadenas sans qu’on y voie rien, caméléon quand il change de peau et de personnages presque sous nos yeux, sorcier enfin quand il utilise un poison que seuls quelques initiés au vaudou connaissent, un poison aux effets effarants, qui nous font dresser les cheveux sur la tête.
Il faudra tout le courage et l’intelligence d’un Sharko pour trouver la faille du démon.

Ce qui m’a fait aimer ce livre, c’est d’y découvrir un Sharko à ses tout débuts, non pas naïf mais encore innocent et plein d’idéaux..
Il est frappé d’effroi et d’épouvante devant les souffrances des victimes, et cette épreuve le fait vaciller, pire même, il craint de perdre son humanité et ses valeurs à force de côtoyer sans cesse le mal absolu.
Il connaît ses premiers doutes, et ses premiers tourments de conscience : doit-il mentir par compassion pour un chef ou dire la vérité au nom de la Loi ?
En même temps, il cherche à creuser son trou parmi ses aînés, il propose des pistes qu’il sent être bonnes, y travaille sur ses heures, acharné à coincer le tueur certes mais aussi désireux à conquérir l’estime de ses pairs.
Enfin Sharko raconte à sa tendre fiancée la véritable raison de son engagement dans la police, confidence où il délivre sa profonde et touchante sensibilité.

Penny, Louise – La folie des foules

Titre original : Madness of crowds
Traduction :  Lori Saint-Martin et Paul Gagné


Au sortir de la pandémie Covid, une éminente statisticienne, Abigail Robinson, est invitée à prononcer une allocution à l’université. Elle préconise, chiffres à l’appui, l’élimination des handicapés et des vieux qui souffrent et dont le coût est élevé alors que les ressources sont limitées. Des coups de feu sont tirés sur la conférencière qu’Armand Gamache, chargé de sa sécurité, protège immédiatement..
Abigail est suivie par de nombrebux citoyens dominés par la peur et la cupidité. Bien qu’Armand ait sauvé Abigail, ce que certains lui reprochent, il honnit son discours d’autant plus qu’une de ses petite-filles est atteinte du symptôme de Down.
Qui donc veut éliminer Abigail ? Les défenseurs du choix de vie ou ceux qui désignent une cible afin de détourner l’attention de leurs propres méfaits ?

Une thèse telle que celle avancée par Madame Robinson a malgré qu’on en pense toutes les chances de subjuguer les foules pour autant que la peur et leur pouvoir d’achat soient habilement titillés. C’est une proposition qui fut d’ailleurs appliquée dans les années du nazisme pré-guerre.
La folie des foules est en effet une chose puissante et qu’aucune raison, aucune valeur ne retient plus quand on tire sur les bons cordons.
Un roman plein de finesse et d’intelligence, à l’écriture délicate, avec des instants de douceur et des pointes d’humour, toutes qualités propres à l’auteure

Grebe, Camilla – L’énigme de la stuga

Traduction : Anna Postel

Gabriel Andersen est un écrivain célèbre et charismatique que la jeune Lykke, engagée dans l’édition, aborde avec intrépidité. Une grande passion naît entre eux, passion que la naissance des jumeaux, l’acquisition d’une ferme dotée d’une stuga indépendante, et les amis communs renforce encore.
Depuis leur adolescence, les jumeaux vivent dans la stuga et y reçoivent Bonnie, leur amie d’enfance et leur soeur de coeur.
Un matin, après une suivant une fête bien arrosée Lykke se rend au chalet fermé de l’intérieur, ses fils lui ouvrent et découvrent Bonnie nue et étouffée sur un lit. Comme seuls les jumeaux séjournaient également dans la stuga, l’un d’eux doit être coupable selon Manfred, chargé de l’affaire. L’inspecteur veut à tout prix soutirer l’aveu d’un des deux frères mais ils gardent le silence et finalement seront relâchés.
Huit ans plus tard, Lykke est en garde à vue et ne veut parler qu’à l’inspecteur Manfred.

Cette intrigue déplie les ravages du soupçon qui peut mener du simple doute éconduit à la perte de confiance et jusqu’à la haine.
Après le drame, la famille Andersen se débat si bien avec sa douleur, sa culpabilité et ses suspicions que les indices pourtant évidents désignant l’assassin leur demeurent invisibles.
Malgré son bandeau, je n’ai pas lu ce livre tout en nuances comme un polar malgré l’investissement de l’inspecteur Manfred, mais comme un roman d’une grande sensibilité et une tragédie que seuls l’amour et le remords seront capables de transcender.

Vincent, Gilles – Usual victims

Camille est déjà la 4ème jeune femme qui se suicide par pendaison dans les locaux de Titania, une sorte de géant Amazon. Et cette sorte de contagion atteint une chef comptable qui se jette du toit après avoir détecté une fraude financière.
Une équipe de policiers s’installe dans Titania pour éclaircir ce mystère. Elle se compose de Martin et Clémentine, le premier peu futé, la seconde plus finaude et mature, auxquels s’ajoute Stéphane, un jeune stagiaire taxé d’Asperger ou d’autisme, en tous cas un homme taiseux, quelque peu obsessio nnel etdont les capacités d’observation et de logique sidèrent ses collègues.
Toutes ces femmes décédées sont dans la même tranche d’âge, mais qu’ont-elles d’autre en commun ?

Ce roman mené par un tueur en série particulièrement effrayant car il anticipe tous les chemins que prendra la police et s’amuse à semer de faux indices pour mieux la piéger.
On entre également dans le labyrinthe du dark web et dans une course poursuite tout aussi dédaléenne qui se terminera en pied de nez assez réussi mais frustrant.
Un roman policier étonnant, avec un dispositif scénarique parfois un peu facile, plutôt tiré par les cheveux, mais surprenant

Lebarbier, Sophie – Les liens mortifères.

Léonie est une psychologue sujette à l’embonpoint et à quelques entraves psychologiques dans sa vie.
Sa soeur aînée, Ingrid, a fui la maison au décès de leur père adoré et épouse peu après Victor, un producteur de séries et un homme toxique qu’elle finira par quitter. Léonie a vécu le départ de sa soeur comme un abandon qui déchira sa jeune adolescence.
Après un long silence, Ingrid lui envoie un mot lui demandant de se rendre dans un lieu où Léonie découvre un nourrisson seul et affamé. Aussitôt appelée, la commandante Fennetaux fait analyser l’ADN du nouveau-né qui correspond bien à celui d’Ingrid ainsi qu’à celui d’un homme fiché comme dangereux.
Quand le corps outragé d’Ingrid sera découvert dans la forêt, Léonie et Fennetaux vont unir leurs compétences et leurs fragilités pour résoudre ce drame aux origines moyenâgeuses en même temps qu’elles perceront quelques mystères de leurs âmes.

Les chapitres alternent entre l’enquête et ce passé d’il y a 70 ans quand une communauté vivait ainsi qu’au Moyen-Âge et dans la croyance en Halaïde, la sorcière-guérisseuse des temps anciens qui délivra les villageois d’une horde meurtrière et fut dès lors pourchassée par ces mêmes villageois effrayés par son pouvoir. Réfugiée en son arbre protecteur, elle y perdit la vie devant ses poursuivants qui vécurent hantés par cette vision.
Bien écrit, c’est un premier roman accrocheur dont les quelques incohérences n’ont pas entamé mon plaisir de lecture.

George, Elizabeth – Une chose à cacher

Titre original : Something to hide
Traduction : Nathalie Serval


Il a fallu le meurtre d’une officier de police noire qui investiguait sur les mutilations sexuelles exécutées sur les petites filles pour que ces barbaries clandestines deviennent l’objet d’un intérêt réel. L’inspecteur Tommy Linley et le sergent Barbara Havers sont chargés de trouver le tueur et de poursuivre celles qui pratiquent ces excisions et infibulations.
Si la recherche du tueur est un travail de fourmi laborieux et un art de déduction, d’imagination et d’intuition qui nous tiennent en haleine, c’est davantage l’horreur de cette pratique qui nous frappe. Et la violence aussi de cette idéologie de l’excision promue au statut d’initiation, de rite de passage, de signe de pureté puisque cette mutilation assurera au futur mari la non-jouissance de sa femme moins tentée d’aller voir ailleurs si c’est mieux et n’attendant plus de lui d’être un bon amant.
Tradition, trahison transmise de femme en femme malgré la honte du corps abîmé, malgré les souffrances parfois durables, malgré les rapports sexuels où la femme est réduite à n’être plus qu’un réceptacle.
Il faut avoir l’intelligence du coeur et le courage d’un héros pour s’arracher à une idéologie dans laquelle on baigne depuis toujours.

May, Peter – L’homme de Lewis

Titre original : The Lewis Man
Traduction : Jean-René Dastugue

A la mort de son fils, Fin perd le contact avec sa femme et son métier de flic. Il retourne alors sur l’île de Lewis, île de son enfance et de son premier mariage, là où la tourbe est reine et où des corps en émergent parfois dans un état de préservation étonnante.
Or un de ces corps manifestement assassiné et ne datant que d’une cinquantaine d’années vient d’apparaître ; son meurtrierce pourrait donc être encore en vie. Or l’ADN du corps correspond à celui de Tormod Macdonald, un vieil homme perdu en Alzheimer et père de la première épouse de Fin. La police risque de soupçonner Tormod d’être l’auteur du meurtre (!!) aussi Fin va-t-il enquêter pour éviter une erreur désastreuse pour ce vieil homme plein de bonté. Mais comment procéder quand Tormod vit dans la confusion et que même son nom semble usurpé ?

Au rythme des fulgurances qui traversent l’esprit malade de Tormod, son passé ressurgit, douloureux, dramatique, révoltant. En effet pendant des décennies, l’église catholique écossaise a envoyé les « homers », ces enfant orphelins, comme Tormod, ou abandonnés, dans les îles Hébrides afin de servir de main d’oeuvre ou d’esclaves à une population extrêmement pauvre
Remarquablement écrit, ce roman, par le biais d’une enquête policière, dénonce un fait de société méconnu et proprement scandaleux

Rademacher, Cay – L’assassin des ruines

Traduction : Georges Sturm

Hambourg, hiver 1947, une ville occupée par les britanniques, un champ de ruines où la famine et les températures sibériennes mettent la population au bord de l’explosion. Aussi, quand une femme est découverte dans les ruines, étranglée et nue et que d’autres morts similaires s’ensuivent, l’inspecteur principal Stave est sommé de saisir l’assassin au plus vite afin de réduire au silence les anciens nazis prompts à critiquer le nouveau régime
Les coéquipiers imposés à Stave suscitent sa méfiance : un militaire britannique et un officier de la brigade des moeurs aux méthodes brutales. Stave avance donc seul au péril de sa vie.

Stave pleure toujours la mort de sa femme brûlée lors d bombardements, il attend chaque jour le retour de son fils parti au front et porté disparu ; de plus il doit résoudre cette enquête rapidement s’il veut garder sa place. Cet homme intègre et bon se donnera jusqu’à l’épuisement à cette tâche difficile car les indices sont dérisoires et la population réticente à aider une police qui les prive de leur seul moyen de survie : le marché noir
L’ambiance de la ville est magistralement rendue et l’enquête, lente comme l’hiver, est touchée par l’humanité et la modestie de son inspecteur

Norek, Olivier – Dans les brumes de Capelans

Le capitaine Coste vit dans l’île de Saint-Pierre , à l’abri d’une demeure hyper sécurisée où il recueille les dénonciations des « repentis » livrées contre l’assurance de recevoir une nouvelle identité et un passeport vers un autre continent
Mais aujourd’hui c’est une rescapée qu’on lui demande d’interroger, la jeune Anna qui, disparue à 14 ans, vient, 10 ans plus tard, d’être retrouvée, enfermée par le monstre qui a capturé, torturé et exécuté neuf jeunes femmes. Seule Anna pourrait donc démasquer le tueur mais elle demeure mutique. Pourtant, dès son arrivée chez Coste, elle se met à parler ( !)) et dresse le portrait-robot de son ravisseur. Un ravisseur caméléon qui poursuit ses crimes et se rapproche d’elle

Coste a choisi la solitude et gelé ses sentiments afin de se protéger de celui de culpabilité. Mais ce gel des sentiments accentue la violence des émotions, ces réactions éphémères et changeantes qui triomphent bien souvent du capitaine
Ce gel rejaillit forcément sur l’écriture de l’auteur, certes belle, mais froide et dénuée de poésie.
Néanmoins cette intrigue est bien troussée, prenante, et réserve quelques bonnes, et mauvaises, surprises

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