Rostagnac, Pétronille – Un jour tu paieras

Au hasard d’une promenade en forêt, un homme découvre une jeune fille inconsciente, elle sera aussitôt hospitalisée
Pauline est avocate et commise d’office par son patron à la défense de Matthieu, un médecin stagiaire accusé du meurtre de deux jeunes hommes
La jeune avocate ne sait quel scénario crédible inventer car tout prouve la culpabilité de son client qui n’a pour lui que son trajet de vie jusqu’alors impeccable
Mais Pauline est une battante, une femme qui serre les dents, elle vit seule car refuse de livrer à quiconque une bribe de son passé qui fut une abomination à laquelle seul son métier pouvait apporter une forme d’apaisement

Les bribes d’histoires esquissées au début s’insèrent dans l’ensemble et forment un paysage sensé mais hautement trompeur car rien ne s’avérera être tel qu’il n’y paraître
Si ce roman s’insère dans une trame juridique, elle est ici bien piétinée, ce qui confère à ce livre un statut paradoxalement parodique vu les terribles souffrances que portent certains personnages
Un roman agréable à lire, mais des personnages que l’on regarde vivre sans vraiment s’y attacher et certaines facilités de construction endommagent quelque peu cette lecture

Moore, Graham – Tenir

(The holdout)

Tout accuse Bobby Nock d’avoir tué la fille de l’homme le plus riche et influent de la région. Pourtant, aux Assises, une jurée, Maya Seale vote non coupable, estimant les preuves insuffisantes, elle rallie tous les autres à sa voix, tous, sauf Rick qui ne cédera que pour en finir. Nock est donc acquitté.
Hélas, au sortir de leur retraite, les jurés se heurtent à un public hostile qui les hue. Aussitôt Rick se dédit, accuse Maya de les avoir forcés et la salit publiquement. Maya se fait discrète puis entreprend des études de droit et devient avocate..
Dix ans plus tard la télévision veut rassembler les jurés pour reconstituer le procès. Maya renâcle à y participer mais constate que tous sont sincèrement ravis de la revoir.
Pourtant, le soir même, elle découvre Rick dans sa chambre, mort. Tout la désigne comme la coupable idéale…

Ce roman intelligent et complexe, par moments même tortueux, passionne quand il vient reconsidérer les notions de justice et de vérité en montrant qu’elles sont souvent inconciliables, au point qu’il faille parfois inventer une histoire pour éviter l’injustice .
N’est-ce pas d’ailleurs ce que font la défense comme l’accusation : raconter des histoires, des interprétations du réel ?

Cohen, Sandrine – Rosine, une criminelle ordinaire

Quand son compagnon lui annonce vouloir la quitter, Rosine, qui donnait le bain à ses deux petites filles de 4 et 6 ans, entre dans une sorte d’absence à elle-même et noie ses deux enfants. Puis la conscience lui revient et Rosine hurle sa douleur et réclame la plus lourde peine
Que s’est-il passé pour que cette mère profondément aimante ait agi contre ses sentiments? Alors que le procureur général et le public se déchaînent contre elle, Clélia Rivoire, enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux, veut découvrir les raisons profondes d’ un tel acte. Douée d’une belle intuition , elle est pourtant rejetée par le milieu judiciaire en raison de son impulsivité et de sonp manque de concessions. Seul Isaac son mentor reconnaît ses dons tout en lui imposant certaines limites
Célia va, à coups de boutoir et d’intuition géniale, permettre à Rosine de déterrer la vérité de son passé, une vérité dont la monstruosité dépasse le pensable

Clélia confère à ce roman psychologique une tension et une vivacité qui lui sont propres, c’est donc elle qui prend la place centrale (parfois au détriment de Rosine), elle qui refuse de se rallier au tumulte de la condamnation facile pour entendre le cri de Rosine, son désespoir, et sa souffrance
Bien que le procès et surtout la plaidoirie en faveur de Rosine soit d’une pauvreté consternante, ce livre nous rappelle qu’une vraie justice se doit de connaître l’homme bien plutôt que de reposer sur les pré-jugés et les lois

Turow, Scott – Ultime recours

2001. Arthur Raven est commis d’office à la défense d’un condamné à mort, Rommy Gandolph. Rommy proclame son innocence bien qu’il y a dix ans, il ait avoué par écrit avoir abattu trois personnes
A l’époque, le policier chargé de l’enquête et Muriel, jeune adjointe du procureur, voulaient absolument une arrestation rapide et brillante afin de lancer la carrière de Muriel. Or le policier, ayant appris que ce chapardeur de Rommy détenait un bijou volé à l’une des victimes, ne fit ni une ni deux, menotta le pauvre homme et lui extorqua des aveux écrits.
Dix ans plus tard, en étudiant les dossiers, Arthur décèle de grosses lacunes
C’est à ce moment que la juge Gillian qui présida à la condamnation de Rommy et connut ensuite une période tourmentée, prévient Arthur qu’un nouveau témoin désire leur parler, Cet homme en fin de vie, avoue avoir manipulé tout le monde et être le seul coupable. Mais le policier et Muriel, soucieux de cacher leur incurie, vont tout faire pour réfuter ce témoignage


Un roman juridique passionnant, riche, émouvant, où de nouveaux éléments, de nouveaux témoins remettent en jeu non seulement la vie d’un homme, mais aussi, mais surtout des narcissismes, des inimitiés,, des jalousies.
Les personnages sont finement nuancés, très travaillés, en particulier celui d’Arthur, cet homme qui se sait moche et s’en est fait une raison douloureuse, cet homme bon, intègre, généreux, sensible et timide inspire les plus belles et les plus lumineuses pages du livre
Un roman où le juridique est un tremplin vers la réparation, la sublimation, la rédemption,
(V.O Reversible Errors),

Grisham, John – Le couloir de la mort

1967. Mississippi. Trois hommes du KKK font exploser le cabinet d’un avocat juif défenseur des droits civiques, les deux petits jumeaux qui accompagnaient leur père sont pulvérisés, et l’avocat, amputé des deux jambes, inconsolable, se suicide
Seul parmi les trois complices, Sam Cayhall est pris, jugé et libéré par les tribunaux suprémacistes blancs jusqu’à l’abolition du ségrégationnisme où, rejugé, il est condamné à mort.
1991. Adam Hall, jeune avocat et petit-fils du condamné, veut défendre ce grand-père qu’il ne connaît pas. Le crime de Sam a dévasté sa famille: le père d’Adam a déménagé, changé de nom et finalement, il s’est suicidé; sa tante s’est réfugiée dans un mariage raté et dans l’alcool. C’est chez cette tante fragile et généreuse qu’Adam logera durant les quatre semaines qui lui restent pour se battre contre l’exécution de Sam,

Avec une immense compassion, ce livre décrit la détresse et la honte vécues par les proches d’un criminel. Il dénonce la cruauté de la peine de mort et des conditions de son attente, il dépeint l’abjection d’une presse qui souille tout ce qu’elle touche, il témoigne de la complexité du système judiciaire américain et souligne qu’en ces cours de justice, l’ambition, les préjugés et les querelles internes déterminent les décisions capitales. Il montre enfin comment un enfant plongé dans un discours de haine qui s’inscrit en lui comme un devoir, peut devenir un homme qui vit, tel le condamné à mort, enfermé dans une cage étroite sans fenêtres et sans joie.

North Patterson, Richard – Degré de culpabilité

Dans une suite d’hôtel, Mary Carelli, la brillante journaliste, tue un écrivain célèbre d’une balle en plein coeur.. Choquée, elle appelle la police et explique qu’elle a tiré après avoir été frappée et presque violée, mais tant la médecin légiste que la police constatent plusieurs éléments contredisant cette version. Mary. demande alors à Christopher Paget, son ancien amant et père de leur fils, d’être son avocat, ce qu’il accepte après moult réticences
Il est assisté par Terri, une jeune avocate qui tout en se débattant dans un mariage de type mélasse, est capable d’une écoute si chaleureuse que certaines femmes, également blessées et humiliées par l’écrivain, acceptent de témoigner contre lui lors de l’audience préliminaire, ce long procès qui déterminera si Mary doit passer aux assises ou être relaxée
Conduit par une juge d’une grande intelligente, ce procès est aussi passionnant que redoutable dès lors que les avocats des deux parties luttent davantage pour des enjeux personnels que pour l’accusée et la victime

Ce livre d’une intelligence et d’une subtilité rares offre des portraits de femmes bouleversants ainsi qu’une intrigue d’une belle complexité où les couches de révélations semblent sans fin et la vérité finale inaccessible.
Bien qu’écrit il y 25 ans, ce livre pourrait être sorti aujourd’hui qu’on y croirait, à part le fait que les tests ADN n’existent pas encore

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