Denzil, Sarah A. – Vulnérable

Titre original : Little Girl
Traduction : Isabelle Wurth

Fran est agréablement mariée et mène une vie tranquille dans un village de la campagne anglaise. Quand elle rencontre la toute jeune Mary et sa fille Esther de 7ans venues de l’Arizona, elle s’étonne de leurs accoutrements, de la crainte que semble éprouver Mary et des restrictions que leur religion leur impose. Fran ressent un puissant besoin de protéger la jeune mère et sa fille Esther qui ne joue pas, ne sourit jamais et s’enfuit afin de retrouver celui qu’elle nomme Père ..
Bien que son mari lui conseille de ne pas trop s’engager car il sait sa femme fragilisée encore par la perte de leur petite Chloé, Fran est comme poussée vers ces deux êtres que la communauté du village rejette au point que l’homme qui accompagne mère et filles les contraint à partir.
Notre héroïne se sent responsable et entreprend de chercher l’endroit où elles séjournaient en Arizona pour, contre l’avis de son mari, se lancer à leur poursuite et à leur secours.

Douée d’une intuition puissante, Fran a ressenti, comme l’auteure nous le donne également à ressentir, une ombre néfaste et malfaisante.
Parfois exaspérante, courageuse jusqu’à la témérité, déterminée à sauverun rie ces deux êtres auxquels des liens secrets la relie, Fran n’hésite pas à affronter ce qu’elle sait être un terrible danger et à pénétrer au coeur du Mal, là où l’attendra l’absolue stupéfaction et où s’ouvriront les entrailles de la perversion.
Bien que Fran m’ait de temps en temps bien énervée, ce roman quelque peu tiré par les cheveux n’est pas sans intérêt et réserve, vers la fin, une surprise de taille.

Villain, Isabelle – De l’or et des larmes

Cette histoire se déroule dans le milieu sportif de haut niveau, celui de jeunes athlètes gymnastes qui briguent la médaille d’or aux jeux olympiques.
L’entraîneur des jeunes vient de mourir dans un accident qui s’avère avoir été criminel, les freins de la voiture ayant été sectionnés. Qui donc peut avoir ourdi le meurtre de cet homme adulé par les athlètes qui lui ont confié depuis un très jeune âge leurs corps, leurs aspirations et leur jeunesse ?. A lui ainsi qu’à sa femme kinésithérapeute.
L’équipe de Rebecca de Lost est priée de résoudre ce crime au plus vite, pressée par le milieu politique qui redoute de voir les médailles françaises lui passer sous le nez.
Il faudra que le journal intime d’une jeune sportive suicidée soit tiré de sa cachette pour qu’un pan de la vérité se lève, mettant à jour une omerta qu’il convient de respecter si l’on ne veut être écarté de la sélection.

Ce milieu de haute compétition m’était totalement inconnu, et je me suis étonnée de voir de tout jeunes enfants entre 10 et 15 ans, se remettre, avec l’accord de leurs parents, entre les mains d’un entraîneur, pratiquer chaque jour les mêmes exercices des heures durant, délaisser leur vie sociale, les sorties et les plaisirs de leur âge pour ne se vouer qu’à un but : obtenir la médaille d’or. Sans compter les innombrables traumatismes et micro fractures qui pèseront lourdement sur leurs épaules d’adultes et sans compter sur la brièveté de leur carrière.
L’écriture de l’auteure est simple, son intrigue, proche d’un documentaire qui reprend un sujet d’actualité, est intéressante mais sans grande complexité. Il m’a surtout manqué l’approfondissement psychologique des personnages qui se maintiennent au duo action-réaction.

Leban, Damien – Sublimation


A l’âge de 3 ans Camille est placée dans un orphelinat. Petite et fragile, elle ne connaît que brimades et violences parmi ces enfants dont la cruauté est aggravée par celle qu’ils ont subie tandis que les éducateurs ferment les yeux.
Arthur est un jeune homme entretenu par sa riche mère. Incapable du moindre effort il rêve néanmoins de devenir un écrivain admiré. Or après une nuit d’alcool et de médicaments, il se réveille devant un chapitre génial. Avec cette recette il va enfin produire un thriller qui lui vaudra la célébrité.
Bruno Heisen, major à la gendarmerie, se rend avec son équipe sur une scène de crime abominable : quatre corps d’hommes décapités suite à un viol collectif et 4 têtes fichues sur des pieux, l’une d’elles ne correspond à aucun des corps.

2ème livre que je lis de cet auteur et à nouveau je suis frappée par l’immense compassion qu’il me fait éprouver pour ces enfants victimes qui survivent tant bien que mal, et plutôt mal que bien, face au Mal.
Ensuite il y a le bonheur de suivre une intrigue parfaitement construite où l’on entre dans le mystère du lien entre ces trois personnes dont les vies sont radicalement séparées.
Agir mal, faire le mal, être le Mal. Il y a dans ce livre une sorte de refondation des cercles de l’enfer jusqu’à cet abîme de perversion qui, rouerie suprême, prend le nom de son opposé absolu : Sublimation.
Un thriller prenant, bien écrit et machiavélique.


Tackian, Niko – La lisière


Dans les monts d’Arrée, ils roulent quand un choc les oblige à s’arrêter, Hadrien sort suivi de son fils Tom, Vivian restée à bord attend puis s’impatiente et enfin sort pour ne voir personne sinon un homme muni d’une hache qui la poursuit. Par bonheur un camion apparaît qui la prend et la mène à la gendarmerie.
Quelques jours plus tard, la lieutenant Mons et son équipe libèrent la voiture abandonnée et embourbée et, dans son coffre, tombent sur une hache et un flot de sang. Tout laisse donc penser que père et fils ont été tués sans qu’on ne sache pourquoi.
Choquée, incrédule, Vivian entre régulièrement dans des états lisière entre rêve et réalité, des états proches de l’hallucination au cours desquels elle revoit son fils Tom et reçoit d’inconnus bienveillants des messages codés qu’elle transmet à la lieutenant dès qu’elle revient à la réalité. Pour la lieutenant, ces messages ouvrent des pistes.

Malgré un début prometteur, l’histoire tombe vite à plat, les crimes ne sont accomplis que pour des motifs basiques et la psychologie des criminels est relativement primaire.
Tout l’intérêt du livre tient au vécu de Vivian, de sa frayeur au sortir de ces moments où rêve et réalité s’interpénètrent pour créer une fausse réalité où convergent son désir de voir Tom vivant et sa connaissance refoulée des mensonges qui entourent sa vie. A quoi s’ajoutent d’affreux souvenirs d’enfance
Le soutien psychologique que Vivian reçoit d’une psychiatre peu conformiste et complaisante passe largement à côté de l’essentiel, si bien que la toute fin, quoique contraire au prisme de l’héroïne, possède une certaine logique.
Niko Tackian est un bon écrivain inventif mais il manque nettement de rigueur.


Duchamp, Chrystel – L’île des souvenirs


Après une enfance dominée par la raideur et la sécheresse de ses riches parents, enfin parvenue à l’université, Delphine s’en donne à coeur joie mais elle s’est laissé séduire une fois de trop.
Maelys, harcelée au collège parce que la nourriture lui permettait d’étouffer ses penchants réprouvés, est capturée en rentrant chez elle.
Les deux jeunes femmes ont vécu une liaison intense à laquelle Delphine a mis brutalement fin, mais Maelys ne peut l’admettre.
Or, les voilà toutes deux séquestrées dans un superbe manoir inhabité. L’une sera torturée et tuée, l’autre pourra s’enfuir, mais traumatisée, elle sera sujette à une amnésie dissociative
Romain, capitaine en charge de cette affaire complexe, piétine aussi lorsqu’un profiler ambitieux propose son aide et qu’une psycho-traumatologue aux méthodes musclées tente de rendre la mémoire à la rescapée, l’espoir du capitaine renaît

Pour moi, ce roman est le meilleur de l’auteure parce que, plus qu’ailleurs, son écriture est peaufinée, ses personnages sont pétris de douleurs et de laideurs ce qui les rend sinon aimables, du moins passionnants.
Tout est méticuleusement construit dans ce roman et ce que j’avais pointé au cours de ma lecture comme erreur ou incohérence s’est ensuite inséré parfaitement dans le récit.
La révélation finale de ce livre m’a profondément attristée, comme rarement je ne l’ai été en tournant la dernière page d’un thriller.

Merci à NetGalley et aux éditions l’Archipel pour cette lecture

Tremblay, Paul – La Cabane aux confins du monde 

Titre original : The cabin at the end of the world
Traduction :  Laure Manceau

Une cabane au bord d’un lac. A l’avant Wen, une petite chinoise adoptée, capture des sauterelles tandis que ses pères Eric et Andrew lisent sur la terrasse à l’arrière. Un gentil géant arrive et s’offre à aider Wen qui accepte mais bientôt 3 autres personnes munies d’armes étranges et effrayantes s’amènent et Wen s’encourt, terrifiée, pour avertir ses pères.
La petite famille refuse l’accès à ces drôles d’inconnus et se calfeutre, mais tous quatre entrent de force, s’emparent des deux pères, les ligotent et les enferment avec la petite Wen. Ils ont été contraints, déclarent-ils, de leur délivrer un message capital car seul leur couple peut éviter l’Apocalypse telle qu’ils l’ont vue par révélation.

Le roman soulève des questions qui meurtrissent l’actualité  : Que choisit-on de croire dans un monde où rien n’est certain mais tout est possible? Pour quelles raisons, quel motif intime, choisit-on telle croyance plutôt qu’une autre ? Et jusqu’où est-on prêt à aller pour la prouver, elle qui est par essence improuvable ?
Un récit qui, au-delà de ses absurdités et de ses excès, porte à réfléchir et dont la fin est absolument sublime.

Loubry, Jérôme – Le chant du silence


C’est un village de pêcheurs où la vie est rude et le poisson rare, meurtri par la pêche intensive, les micro-boules de plastique et une marée noire qui tue le poisson pour longtemps.
Dans ce port vivent Jean, un pêcheur qui délaisse sa famille, son fils Damien qui aime la fille du propriétaire des lieux et aussi comme dans tout village, l’étrange et solitaire vieille femme, les enfants rieurs, les vauriens voleurs, les hommes recrus alignés devant le bar, les femmes tristes qui attendent.
A son grand désespoir Damien devra partir avec sa mère afin qu’un avenir lui soit donné. Il ne reviendra que 20 ans plus tard, appelé par le notaire afin d’ouvrir l’étonnant testament de son père, cet homme qui fut incarcéré pour meurtre et se suicida quelques années plus tard. Se suicida ?

Plongé dans l’atmosphère de ce port à l’ancienne, on tire sur les filets lourds d’eau et de varech, on entend le ahanement des pêcheurs et le pas pressé des femmes laborieuses. Un rendu que j’ai trouvé fascinant saisi par une écriture qui a énormément gagné en poésie et en sensibilité pour toucher à l’excellence.
Et puis, ce que j’aime dans ce roman c’est cette levée d’un voile qui couvrait une vérité faisant elle-même rempart à une autre vérité encore illusoire, chacune suscitant refus, colère, culpabilité, tristesse, ces étapes qui sont celles mêmes du deuil puisque toute perte d’illusions est un deuil.
Et quand il ne s’accomplit pas, il y a danger.


Köping, Mattias – Le Manufacturier


Voyez comme aujourd’hui croît le nationalisme au nom duquel, à l’instar du Dieu de jadis toujours récupérable, les pires abominations sont admises et justifiées. Alors les sadiques, les psychopathes, les monstres tout poil se réveillent, s’adonnent à leurs pire penchants et en tirent gloire et avantages.
Ainsi cette fureur qui s’empara des serbes orthodoxes et des croates catholiques dans les années 90, semant des charniers derrière eux, menant une guerre faite de crimes de guerre, creusant des marques indélébiles où se ressourceront la haine, la vengeance, le ressentiment, dans une spirale sans fin.
Lorsque la paix est signée, les tortionnaires fuient ou se cachent sous de fausses identités où telles des hyènes ils attendent en s’aiguisant les dents.
Mais certains hommes s’en indignent et consacrent leur vie à poursuivre et punir les criminels de guerre, ce qui gène tant les corrompus au pouvoir que les criminels recyclés.

2017. Vous allez rencontrer le capitaine Radiche, un flic glacial, cruel et détestable ; Irena, une avocate serbe qui fut victime des horreurs croates mais a sublimé sa haine en réclamant justice pour toutes les victimes ; Milovan, un enfant adopté en France qui connut les mêmes atrocités qu’Irena mais causées par les serbes ; et enfin le manufacturier, un homme à l’identité mystérieuse qui pratique les pires tortures imaginables pour en jouir et les vendre en ligne

Un thriller renversant, magistralement écrit et construit mais extrêmement, atrocement dur. Un livre désespérant, d’une noirceur qui exclut toute lumière. Un roman qui démontre l’éternel retour du même Mal absolu.

Kishi, Yusuke – La leçon du mal

Traduction : Diane Durochers


Hasumi, professeur d’anglais dans le lycée privé Shinko, parvient à résoudre rondement et avec succès tous les problèmes et conflits survenus dans l’école. Adoré par ses élèves, apprécié par la plupart de ses collègues, il n’y a véritablement qu’une élève, Reika, et le chien de ses voisins qui se défient de lui.
Parmi le staff des professeurs sérieusement entamés, Reika redoute et se méfie surtout d’Hasumi parce qu’usant de ses charmes, il tisse la toile au coeur de laquelle il englue ses victimes.
Totalement dénué d’empathie, Hasumi a appris, tout jeune encore, à imiter les expressions liées aux sentiments, et comme il possède un don d’acteur effarant, il parvient aisément à tromper son entourage.
Il ne jouit pas tant, comme la plupart des psychopathes, de faire souffrir et de tuer ses victimes, non, sa vraie jouissance c’est de berner les autres et de les voir ensuite se dépêtrer dans la confusion et la peur.
Face à la naïveté et l’aveuglement de tous, Hasumi prendra de plus en plus de risques, sûr de demeurer impuni.
Un roman qui malheureusement, au lieu d’aller vers plus de nuances et de profondeur, verse dans l’excès et l’invraisemblance, sinon dans la farce.

Hiltunen, Pekka – Sans visage

Traduction : Taina Tervonen

Touchée par le sort d’une jeune femme dont le corps, passé sous un rouleau compresseur, s’est vu exposé dans la City, Lia Pajada, jeune graphiste finlandaise, veut rendre son nom et sa dignité à cette femme que la presse dénomme « sans visage »
Lia se lie bientôt d’amitié avec Mari, une femme à l’intelligence et à l’intuition hors normes. Graduellement, Lia apprend que son amie consacre sa vie à faire obstacle à l’injustice et la violence.
Ainsi, aidée de quelques amis remarquables, Mari s évertue à faire tomber le leader d’un parti d’extrême droite propageant la haine et la violence. Lia assiste son amie et entreprend des fouilles en vue de déterrer le passé de cet homme vénéneux.
Mais Lia se sent toujours en devoir de réhabiliter la femme sans nom dont l’ADN s’est révélé d’origine balte. Lia se renseigne alors sur la victime dans les bars et épiceries baltes où elle ne reçoit que silence et hostilité avant d’en ressortir, suivie par un homme qui a tout l’air d’un tueur au solde de la mafia.

Entre le monde de l’extrême droite qui rassemble surtout de jeunes hommes en mal de virilité et de domination et le monde de la prostitution où la femme est vue comme une esclave sexuelle, il y a une continuité de vie, de politique et de moeurs que les deux amies veulent combattre.
Mais elles s’opposent dans leur manière de mener ce combat : Mila estime que la fin justifie les moyens, Lia considère que les moyens doivent se conformer aux principes de leur fin.
Ce roman particulièrement actuel allie l’intelligence à l’émotion et j’en attends la suite avec impatience.

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