Delorme, Wendy – Devenir lionne


La narratrice vient ici, en relation avec la lionne, reparcourir deux étapes de sa vie amoureuse. La première à Berlin alors qu’elle avait vingt ans, et la seconde à quarante ans, en France.
C’est lors d’une visite au zoo de Berlin qu’elle tombe sur une lionne enfermée dans une cage étroite. Profondément émue par cet animal qui ne bouge pas sinon pour se mutiler, la jeune femme la visite fréquemment, fascinée par cette image d’elle-même puisqu’elle entretient au même moment une relation de dépendance malsaine avec un jeune homme qui l’encage psycho-sexuellement.
Si l’héroïne a tant de mal à quitter cet homme, c’est en vertu de ce déchirement entre son désir d’une vie riche, autonome, libre, et son besoin d’appartenir totalement à un homme, d’être même entravée par lui, ce qui la rend potentiellement encageable .
Quand vingt ans plus tard la narratrice aime à nouveau, elle craint de retomber dans la même cage qu’à Berlin. Mais avec ce second amour, elle comprend qu’il y a une troisième voie : un devenir lionne de la femme qui lui permet de sortir des cages mentales et sexuelles que la société, et elle-même, ont édifiés. Un devenir lionne piétinant les barreaux de la binarité et de la hiérarchie, inventant d’autres rugissements pour sortir de ce système qui n’engendre que la violence, la domination et la haine..
Ainsi, entre la liberté sans engagement et l’esclavage, il existe la confiance
Intelligent, enlevé, ce livre d’une femme forte et fragile, vulnérable et puissante, douloureuse et radieuse, est un appel à ce qui, dans la femme et par elle seulement, peut aboutir à un devenir autre, et donc à un avenir impensable dans les systèmes patriarcaux,

Merci à NetGalley ainsi qu’aux édition J.L. Lattès pour cette lecture.

Carabédian, Alice – Utopie radicale

L’utopie est presque un terme antinomique à celui de progrès puisque le progrès, scientifique et technique – et donc réservé aux plus riches, au détriment de la planète et des autres dès lors réduits à ne pouvoir que survivre dans un monde détruit – est le fondement (capitaliste) de toutes les dystopies
La dystopie est le progrès réalisé selon la formule d’Alice Carabédian.
Le progrès dystopique programme toujours la conquête d’autres lieux ou planètes afin de les exploiter jusqu’à leur épuisement
L’utopie radicale n’est pas cet imaginaire du bonheur à la Thomas Moore ou Charles Fourier conçu comme un système qui, en tant que tel, ne peut se maintenir qu’à force de diktats et finalement d’une tyrannie.
A contrario, l’utopie radicale est portée par son auto-critique, ses débats et les percées que réalisent ses nouveaux concepts créant d’autres façons de penser.
L’utopie radicale est un mouvement d’ouverture éthique infini.
La dystopie et l’utopie radicale rejoignent ainsi les concepts lévinassiens développés dans son ouvrage « Totalité et Infini »
NB Lire Becky Chambers et sa sublime utopie radicale : « Apprendre, si par bonheur »

Gazalé, Olivia – Le mythe de la virilité

Dès que l homme comprend son rôle dans la fécondation, la femme jadis maîtresse de l’engendrement est ravalée à un réceptacle passif , devenant sujette à ces extensionrs de pensée: sujet et objet, raison et passion, maîtrise et lascivité etc.
En contrepartie, l’homme est désormais contraint de prouver sa virilité s’il ne veut déchoir dans l’ impuissance, l’ homosexualité féminisante ou la défaite.
La monstration de la virilité était relativement aisée quand l’épouse non-impudique ne s’adonnait à des rapports que reproducteurs et surtout sans jouissance, mais le dernier siècle occidental exige en plus des hommes qu’ils fassent jouir la femme, dernière prescription hautement angoissante.
Aussi les moments entre hommes sont-ils si reposants, il suffit de raconter des exploits inexistants ou d’exhiber les signaux d’une puissance imaginaire

Chaque époque refonde les codes de la virilité en se basant sur une distanciation d’avec la femme qui incarnera toujours LA menace à la puissance virile
Pour échapper à cette dictature des sexes il faudrait cesser de percevoir l’humanité selon une binarité d’être imposant une binarité de conduites soi-disant naturelles alors que, bien sûr, la parole a toujours déjà aboli le naturel au profit d’un social variable

L’Heuillet, Hélène – Tu haïras ton prochain comme toi-même

Voici quelques réflexions, parcellaires comme toujours, de et à partir de ce livre


Le nazisme, les nationalismes et l’islamisme radical ont pour fondement la haine et pour but la pureté de la race. Toutes combattent donc pour du biologique et non pour du symbolique. Toutes visent à l’Un, à la fusion sans tiers ni altérité qui entachent la pureté
La haine hait donc toujours l’autre (on devrait l’appeler allophobie plutôt que racisme)
Mais l’altérité est irrépressible. La visée de pureté doit tout détruire; quand l’autre est inatteignable, ce seront les mêmes qui seront visés dans la haine de leurs petites différences. Le besoin de pureté atteignant sa perfection dans le suicide, soit l’élimination de l’autre en soi . D’où la formule « Tu haïras ton prochain comme toi-même »,
Le but de toute guerre en vue d’une pureté nationale, religieuse ou autre n’est pas la victoire mais une destruction sans fin, elle est, en effet, alimentée par la pulsion de mort à l’état pur, dénuée de son pendant qu’est la pulsion de vie, elle s’attache donc également à encourager le déchaînement des pulsions les plus basses et les plus répugnantes, toutes pulsions émanant de Thanatos

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