Robert-Diard, Pascale – La petite menteuse

Lisa Charvet, tout juste majeure, débarque dans le bureau de l’avocate Alice Keridreux et lui demande de la représenter lors du procès en appel de son violeur. Lisa estime qu’une femme la comprendra mieux que cet avocat qui la défendue contre Marco Lange, l’homme qu’elle a accusé de viol alors qu’elle avait 15 ans.
Bien sûr de tels procès attisent les esprits, les masculinistes et autres incels dénoncent la sacralisation de la parole des femmes, et les féministes crient qu’elles ne supportent plus ceux qui font fi de leur parole ou la moquent.
Alice, la narratrice de cette histoire, relit l’ancien dossier et s’étonne de voir la condamnation de Lange ne reposer que sur la seule parole de Lisa et sur des témoignages du type « il regardait bizarrement », « c’était un marginal ». A ses yeux cela ne justifiait pas l’incarcération de Lange.

Comme le dit le titre, Lisa a menti et se dit prête lors de ce second procès à raconter ce qui l’a, trois ans plus tôt, incitée à se dire victime d’un viol, et cela au risque de se voir psychologiquement lapidée par le public, l’avocat de Lange et la juge outrée par ce mensonge responsable du long internement de l’innocent Lange.
Lisa va tenter, maladroitement mais sincèrement, d’expliquer que cette dénonciation a été une porte de secours, un appel à l’écoute de sa détresse, la sortie d’un engrenage de rumeurs, d’incitations, d’attentes ainsi qu’une forme d’explication à sa dépression.
Comment juger quand on se trouve face à deux victimes ? Certes elles ne sont pas sur un pied d’égalité, mais toutes deux sont en droit d’attendre un jugement équitable à l’aune du passé comme à celui de l’avenir.
On aurait aimé assister à la plaidoirie de l’avocate et au verdict final mais non, tant pis pour nous.
Un roman précieux en ce qu’il dénonce ces jugements hâtifs fondés sur les préjugés, les apparences, les intérêts d’une cause personnelle et la méconnaissance de la complexité humaine.

28 réflexions sur « Robert-Diard, Pascale – La petite menteuse »

  1. Je me souviens de la série Le tribunal. Dans un épisode qui parlait d’un divorce, le juge devait statuer entre les deux parties. Chacun accusait l’autre d’infidélité. À la fin, la vérité n’avait pas pu être établie. Le juge avait alors rendu verdict en se basant sur son ressenti. Cette épisode avait un peu écorné l’image que je me faisais de la justice, parce que je m’étais rendue compte qu’un jugement pouvait être basé sur ce que pensait le jury, ce qui peut conduire à des erreurs judiciaires.

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    1. Tu as raison, le jury juge selon son émotivité et ce qu’il a vécu personnellement, en même temps juger uniquement sur des textes de loi peut aussi mener à des erreurs.
      Juger est une chose impossible dans de nombreux cas.

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  2. Je suis intriguée par l’idée que ce soit l’avocate qui ait le rôle de la narratrice, ça doit apporter un côté plus « neutre » ou plus juridique peut être. Et je me demande ce qui peut bien pousser cette adolescente a envoyé quelqu’un en prison pour un crime aussi horrible. Merci Hedwige pour ce retour, tu as réveillé ma curiosité. 🙂

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      1. Je vais y réfléchir, car tu as raison, on lit rarement la voix d’une victime qui revient sur ces mots, et ce point de vue depuis l’avocate m’intrigue vraiment. Oui, c’est un livre à noter, merci beaucoup pour ce conseil. 🙂

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  3. Comme toi, j’ai un peu regretté que la fin soit moins documentée, mais il n’en reste pas moins que le livre a le mérite d’interroger le mécanisme du mensonge et son engrenage. Je me suis demandée si l’autrice se basait sur une véritable affaire, mais je n’ai pas trouvé de réponse.

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  4. Voilà un livre qui suscite un grand intérêt!!! Comme si cela ne suffisait pas, ton analyse en remet une couche, je n’ai donc plus d’autre choix que d’aller l’acheter 😉
    Merci pour ce joli partage Hedwige, belle fin de journée à toi 🙂

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