Loubry, Jérôme – Le chant du silence


C’est un village de pêcheurs où la vie est rude et le poisson rare, meurtri par la pêche intensive, les micro-boules de plastique et une marée noire qui tue le poisson pour longtemps.
Dans ce port vivent Jean, un pêcheur qui délaisse sa famille, son fils Damien qui aime la fille du propriétaire des lieux et aussi comme dans tout village, l’étrange et solitaire vieille femme, les enfants rieurs, les vauriens voleurs, les hommes recrus alignés devant le bar, les femmes tristes qui attendent.
A son grand désespoir Damien devra partir avec sa mère afin qu’un avenir lui soit donné. Il ne reviendra que 20 ans plus tard, appelé par le notaire afin d’ouvrir l’étonnant testament de son père, cet homme qui fut incarcéré pour meurtre et se suicida quelques années plus tard. Se suicida ?

Plongé dans l’atmosphère de ce port à l’ancienne, on tire sur les filets lourds d’eau et de varech, on entend le ahanement des pêcheurs et le pas pressé des femmes laborieuses. Un rendu que j’ai trouvé fascinant saisi par une écriture qui a énormément gagné en poésie et en sensibilité pour toucher à l’excellence.
Et puis, ce que j’aime dans ce roman c’est cette levée d’un voile qui couvrait une vérité faisant elle-même rempart à une autre vérité encore illusoire, chacune suscitant refus, colère, culpabilité, tristesse, ces étapes qui sont celles mêmes du deuil puisque toute perte d’illusions est un deuil.
Et quand il ne s’accomplit pas, il y a danger.


Grebe, Camilla – L’énigme de la stuga

Traduction : Anna Postel

Gabriel Andersen est un écrivain célèbre et charismatique que la jeune Lykke, engagée dans l’édition, aborde avec intrépidité. Une grande passion naît entre eux, passion que la naissance des jumeaux, l’acquisition d’une ferme dotée d’une stuga indépendante, et les amis communs renforce encore.
Depuis leur adolescence, les jumeaux vivent dans la stuga et y reçoivent Bonnie, leur amie d’enfance et leur soeur de coeur.
Un matin, après une suivant une fête bien arrosée Lykke se rend au chalet fermé de l’intérieur, ses fils lui ouvrent et découvrent Bonnie nue et étouffée sur un lit. Comme seuls les jumeaux séjournaient également dans la stuga, l’un d’eux doit être coupable selon Manfred, chargé de l’affaire. L’inspecteur veut à tout prix soutirer l’aveu d’un des deux frères mais ils gardent le silence et finalement seront relâchés.
Huit ans plus tard, Lykke est en garde à vue et ne veut parler qu’à l’inspecteur Manfred.

Cette intrigue déplie les ravages du soupçon qui peut mener du simple doute éconduit à la perte de confiance et jusqu’à la haine.
Après le drame, la famille Andersen se débat si bien avec sa douleur, sa culpabilité et ses suspicions que les indices pourtant évidents désignant l’assassin leur demeurent invisibles.
Malgré son bandeau, je n’ai pas lu ce livre tout en nuances comme un polar malgré l’investissement de l’inspecteur Manfred, mais comme un roman d’une grande sensibilité et une tragédie que seuls l’amour et le remords seront capables de transcender.

Edvardsson M.T. – Ceux d’à côté

Traduction : Rémi Cassaigne

Mike et Bianca Andersson ont quitté Stockholm et sa violence pour s’installer dans un quartier paisible où leurs deux enfants pourront s’épanouir
Leur voisine, Jacqueline, est une ancienne mannequin qui s’amourache vite des hommes et noie ses déceptions dans l’alcool. Elle vit avec son fils de douze ans, Fabian, un enfant surdoué, asocial et imprévisible que sa mère défend quoi qu’il fasse, ne lui inculquant ni limites ni règles morales.
En face réside Ola, un veuf qui traîne une réputation de violence et plus loin demeure un couple de retraités grands amateurs de ragots.
Fabien cherche en Mike un père idéal, Ola trouve une confidente en Bianca, Jacqueline veut séduire Mike, et la tension grimpe dans le couple Mike-Bianca tandis qu’une sourde menace plane sur le quartier, nous gagnant peu à peu. Jusqu’à l’accident.

Très vite et bien malgré elle, la famille Andersson réveille les besoins et pulsions de leurs voisins qui tentent d’attirer Mike, Bianca et leurs enfants dans les filets de leurs penchants égoïstes ou malades, chacun d’eux devenant ce qu’ils sont dans leur part la plus laide ou la plus médiocre.
En place d’une montée du suspense, nous n’avons qu’une croissance de malaise avec un arrière-goût d’agressivité dont on ne s’étonne pas qu’il débouche sur l’accident du seul personnage resté digne dans ce quartier.
Au final ce roman assez léger ne m’a guère enchantée.


Padgett, Abigail – Poupées brisées

Titre original : Dollmaker’s Daughters
Traduction : Danièle Bondil et Pierre Bondil.


Bo Bradley est assistante sociale au service de protection de l’enfance. Sa cheffe l’a prise en grippe depuis son entrée en service et tente en vain de la licencier. En effet tout les oppose, l’une se laisse guider par ses intuitions et ce don de seconde vue qui lui vient par moments et qu’elle attribue à sa maniaco-dépression, l’autre ne pense que par règlements interposés et fait fi des personnes et des enfants qui n’entrent pas dans ce cadre légal.
Non seulement Bo ne se plie pas aux dictats de sa cheffe, mais elle va bien au-delà de sa fonction et s’engage auprès des enfants dont elle s’occupe en enquêtant sur les raisons profondes de leurs troubles.
Comme par exemple cette jeune adolescente de 13 ans qui au cours d’une soirée, se fige après avoir crié « Kimmy », le nom de sa poupée brisée attachée à son poignet. Bo va éviter la mise en hôpital psychiatrique de cette enfant sensible et souffrante que sa cheffe veut faire interner et dont elle retire la charge à Bo, ce qui n’ébranle en rien l’engagement de notre héroïne étonnée de ce que cette ado soit en famille d’accueil alors que ses parents et grand-parents vivent encore. Et notamment ce grand-père fabricant notoire de poupées
Vivent encore oui mais de quelle façon et jusqu’à quand ? Car tout se passe comme si le cri de l’adolescente signait l’annonce d’un passé et d’un présent criminel dans sa famille.
Touchant, bouleversant, original et passionnant, ce roman d’une richesse que je n’ai fait qu’effleurer est le dernier d’une série à lire selon les opportunités.

McFadden, Freida – La femme de ménage

Titre original : The housemaid
Traduction : Karine Forestier


A sa sortie de prison, et sans travail, Millie, à 27 ans, vit dans sa vieille voiture. Aux abois, elle postule chez une richissime dame prête à l’engager. Millie est ravie même si elle doit dormir dans un minuscule cagibi meublé d’un mince lit de camp et doté d’un verrou à l’extérieur de sa porte.
Son employeuse, Nina, est une grosse dondon avec un Andrew de mari hyper sexy et une fille, Cecelia, d’emblée hostile à Millie et toujours vêtue de robes à dentelles démodées. Il y a encore un jardinier qui semble vouloir avertir Millie d’un « pericolo ».
Au fil des jours, Millie est troublée : la maison est chaque jour d’une saleté inimaginable, Nina prétend avoir dit ce qu’elle n’avait jamais dit et vice versa. Seul Andrew paraît normal, avenant et même plutôt attiré par la belle Millie.

Une histoire où les apparences sont tout ce qu’il y a de trompeur, où vous irez de surprises en surprises, et c’est déjà une raison de s’y précipiter mais en plus ce livre se termine de façon percutante ce qui est assez rare pour être signalé.
Bon il y a bien un petit côté excessif, un peu trop de coïncidences inespérables, mais si vous êtes prêts à un zeste de naïveté, vous verrez, ce roman est absolument jubilatoire

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