Dean, Will – Tout ce qui est à toi brûlera

Than, une jeune vietnamienne, s’est introduite illégalement en Angleterre avec sa soeur pour y travailler et envoyer de l’argent à sa famille fort pauvre. Mais après quelques mois, elle est arrachée à sa soeur et emmenées de force chez Lenn un fermier vivant dans une bicoque pourrie. Lenn va faire de la jeune femme son défouloir sexuel et son esclave dont toute erreur, tout oubli, toute désobéissance seront sanctionnés par la mise à feu d’une de ses rares et précieuses possessions
Loin de tout, dans cette morne campagne anglaise avec ses champs à perte de vue, Than rêve d’évasion mais une de ses tentatives lui valut d’avoir la cheville fracassée au marteau.

Ce livre nous plonge la tête la première dans l’enfer vécu par ces femmes étrangères démunies, vendues comme esclaves à des hommes pour qui la domination absolue exercée sur des êtres sans défenses reste la seule façon possible d’échapper à la solitude absolue.
Certes ce roman semble parfois long, mais ce procédé vise à nous faire sentir comme longues sont les années de séquestration de Than, cette jeune femme dont le courage, l’endurance et la capacité à toujours garder l’espoir force l’admiration
Fort bien écrit, ce roman possède une grande force d’impact et nous rappelle, si besoin est, que l’esclavage existe encore toujours chez nous

Lelait-Helo, David – Je suis la maman du bourreau

Gabrielle de Miremont, riche aristocrate et catholique convaincue, exclut mari et filles de son univers dès lors que lui naît un fils. Il deviendra prêtre, ainsi en a-t-elle décidé, prêtre et donc sans autre femme dans sa vie qu’elle-même, il sera son prolongement, sa chair masculine, dans une relation exclusive et vertueusement perverse.
Quand, à 80 ans, Gabrielle apprend dans la presse que des actes de pédophilie ont été commis au sein de l’église, elle est furieuse et veut rencontrer le témoin victime de viols et le réduire au silence, mais le récit bouleversant et sincère d’Hadrien lui ouvre les yeux sur l’hypocrisie de sa propre vie.
Désormais son monde s’effondre puisque son fils était son monde et Dieu n’est plus puisque son fils L’incarnait
Gabrielle va alors parler à son fils, ce bourreau

L’écriture magnifique, la finesse, la justesse et des sentiments et la pudeur du propos sont les grands atouts de ce livre, toutefois m’ont gênée, outre d’innombrables redondances, cette vénération envers la riche aristocratie confite en dignité, dont l’acte le plus banal devient munificence, ainsi que ce mépris pour ceux qui n’ont reçu ni beauté, ni grandeur ni clinquant
On ressent chez l’auteur une évidente nostalgie des temps anciens pour autant bien sûr que l’on soit né privilégié

Colize, Paul – Un monde merveilleux

1973. Le maréchal des logis Daniel Sabre reçoit l’ordre de conduire, en toute discrétion, une personne là où elle le voudra sans poser de questions et de leur téléphoner chaque matin. On lui laisse entendre qu’une promotion pourrait s’ensuivre. Parti de sa caserne en Allemagne, Daniel rejoint Bruxelles où une dame l’attend et lui demande de l’amener à Lyon
Raide et silencieux, Daniel affiche un sérieux qui amuse et agace à la fois Marlène, sa passagère. Cette dernière engage parfois la conversation mais heurtée par la rigidité du militaire, elle s’emporte ou retourne à ses pensées tourmentées.
De son côté Daniel s’agace de faire le taxi mais les silences creusent en lui des sillons de souvenirs et de réflexions .
Le périple, jonché d’étapes, amène Marlène au bout de sa quête personnelle, mais pourquoi donc Daniel a-t-il dû la conduire ?

L’auteur met en présence deux personnes écorchées qui ont dû dompter leur sensibilité, deux êtres qu’un deuil précoce a mis en révolte. Tous deux engagés dans une mission secrète, ils vont remonter vers le Sud, vers leur passé. Leurs échanges, rares, ponctués de jaillissements de douleurs, de colère, de silence, auront une portée insoupçonnée
Car ils sont les pions d’un scénario monstrueux
Avec son écriture sobre et belle, une construction pleine de finesse et d’intelligence et une mise en scène de ce Mal ordinaire auquel chacun de nos aveuglements, chacune de nos lâchetés nous confronte, l’auteur ranime, une fois encore, mon admiration et mon enthousiasme

Vander Hoeven, Nancy – Cette blessure d’où je viens.

Le commissaire Jack Ferreras est mandé dans la très riche propriété des époux Tessier actuellement en mission humanitaire. Il y découvre quatre personnes sauvagement poignardées. Le même soir, Chloé, la fille Tessier, s’annonce au commissariat ; mutilée et blessée, elle dit avoir été séquestrée et violée durant plus d’un an par un certain Fighter avant de parvenir à s’enfuir La coïncidence trouble Ferreras qui en appelle à son amie psychiatre, Isaure. Cette dernière, profondément touchée par le récit que fait Chloé de son calvaire, s’investit énormément afin d’amener sa patiente à creuser son passé.
Rappelés, les parents de Chloé sont interrogés par Jack et Isaure. La froideur de la mère et la lâcheté du père frappent la psychiatre qui pressent un drame familial bien occulté

Il ne s’agit en rien dans ce roman d’une enième histoire de séquestration avec violences, malgré le récit détaillé qu’en fait Chloé à sa psychiatre, car ce livre se lit entre les lignes, là où crient les silences, dans ces blessures d’où naissent les mots.
Avec sa sensibilité à fleur de peau, Nancy Vander Hoeven nous offre ici un thriller psychologique de haut vol mais qui, contraint comme nous le sommes tous à sa part d’indicible, nous laisse avec un vague sentiment d’incomplétude
Dommage qu’il y ait cette part de romance discordante avec l’ensemble et incompatible avec l’éthique de la psychiatre

Hallett, Janice – Le code Twyford

Au sortir d’une longue peine de prison, Steven parvient à lire mais encore incapable d’écrire et désireux de raconter son histoire, il s’enregistre sur le téléphone offert par ce fils nouvellement apparu.
Le livre dérive donc de la retranscription écrite de cet enregistrement pas toujours fort audible
Un des premiers souvenirs de Steven est la lecture qu’une professeure leur a faite à eux, les cinq gamins pour lesquels la lecture restait un mystère, d’un roman d’Edith Twyford. L’enfant ébloui comprend que le livre est un code, celui des lettres et des sons certes, mais aussi plus profondément celui du livre entier, de son auteur, de son contexte historique. Et de sa propre vie.
Sorti de prison, enfin capable de lire seul, Steven aspire à retrouver le livre originel qui lui aura ouvert un monde nouveau et d’en décoder les mystères infinis

Ne sommes-nous pas tous fascinés par l’énigme que nous sommes à nous-mêmes, ce code obscur qui source les jeux et les quêtes, mais conduit aussi aux désastreuses théories du complot ?
Ce roman m’aurait séduite s’il ne péchait par une telle surabondance d’énigmes qu’on finit par y perdre tout intérêt et par d’excessives longueurs qui en gâchent le plaisir
Janice Hallett veut nous plonger dans un jeu de codes en abîme, mais je quitte ce texte avec le sentiment d’avoir plutôt été l’objet d’un jeu de dupes

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